Le Figaro, no. 20898 - Le Figaro, mardi 11 octobre 2011, p. 9Le premier ministre russe va signer des accords de coopération bilatérale.Vladimir Poutine n'est pas encore président de la Fédération de Russie, mais il entame déjà en futur maître du Kremlin une visite officielle de deux jours en Chine. Lui qui s'est jusqu'à présent concentré sur les affaires domestiques effectuera son premier séjour à l'étranger depuis l'annonce de son grand retour politique, chez un voisin aussi envié que respecté. À la tête d'une importante délégation d'oligarques, le premier ministre doit signer avec Pékin un accord de coopération bilatéral centré sur les questions de modernisation économique. La Chine est le premier partenaire commercial de la Russie avec un volume d'affaires de 60 milliards de dollars en 2010, en hausse de 50 % depuis un an.
Mais à la différence de Dmitri Medvedev, l'actuel président qui n'avait d'yeux que pour les échanges de technologies, Poutine entend bien réaffirmer la puissance diplomatique russe vis-à-vis de son puissant voisin. « Ce sera une rencontre d'une grande valeur », a estimé hier le chef adjoint de l'administration gouvernementale, Iouri Ouchakov. « Poutine voit d'abord la Chine à travers le prisme de la situation géopolitique et perçoit bien les risques pour la sécurité qui sont liés au développement économique du pays », confirme Fedor Loukianov, rédacteur en chef de Russie dans la politique globale. Pékin, pour sa part, « veut savoir si la Chine constitue vraiment une priorité pour le premier ministre », ajoute l'expert. Ces dernières années, le chef du gouvernement s'était plutôt tourné vers l'Occident et l'Europe.
Avant d'opérer un rapprochement avec les États-Unis, à la faveur du 11-Septembre, Vladimir Poutine avait brièvement flirté avec la Chine au début de son premier mandat présidentiel, début 2000. Cette année, Moscou et Pékin ont fêté les dix ans d'existence de l'Organisation de Shanghaï, instance de sécurité notamment chargée de veiller sur l'espace centre asiatique post-soviétique, et qui se veut un contrepoids à l'Otan. Preuve qu'ils partagent des « valeurs » identiques, les deux partenaires se sont entendus à l'ONU la semaine dernière, pour bloquer une résolution visant à condamner le gouvernement syrien.
Des leviers d'influence rouillés
La coopération est excellente, affirme Poutine. « Nous avons avec la Chine une immense frontière commune. Nous vivons côte à côte depuis des milliers d'années. Nos relations sont peut-être aujourd'hui à leur plus haut niveau dans l'histoire », déclarait-il récemment. Néanmoins, la Russie ne peut plus se prévaloir de l'autorité tutélaire qu'elle exerçait il y a plus de vingt ans sur le communisme mondial. Comme d'autres pays, elle doit importer ses biens de consommation du premier atelier du monde, à l'égard duquel elle se retrouve dépendante.
Même ses deux leviers d'influence historiques - énergie et pétrole - se sont rouillés. « Avec un recul de sa dépendance aux exportations d'armes russes et un nombre croissant de fournisseurs d'énergie alternatifs, la Chine a pris le dessus dans ses relations avec la Russie », affirme l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. Les importations chinoises d'armes conventionnelles russes ont chuté de plus de 50 % ces dernières années, Moscou craignant en outre de se voir piller ses technologies militaires par Pékin. Par ailleurs, ce dernier s'approvisionne de plus en plus en brut auprès des pays d'Asie centrale, en particulier le Kazakhstan et le Turkménistan. Vladimir Poutine a ordonné à Gazprom - qui fait face à une stagnation de ses marchés européens - de proposer des projets d'expansion asiatique. Mais placée en position de force, la Chine se révèle un client difficile, jusqu'à retarder un accord de livraison par la Russie de 68 millions de mètres cubes de gaz jusqu'en 2040. Face à la Chine, l'influence de la légendaire diplomatie gazière russe risque d'être insuffisante.
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