Brian Wallace est le fondateur australien et le propriétaire de la Red Gate Gallery à Pékin, la première galerie d'art contemporain privée du pays, établie en 1991. La galerie représente aujourd'hui vingt artistes et possède un programme de résidence régulier depuis 2011. Art Media Agency s'est entretenu avec Brian Wallace sur cette vie artistique pékinoise...
La Tribune - Comment êtes-vous arrivé en Chine?
Brian Wallace : Je suis allé en Chine pour la première fois en 1985, avec juste mon sac à dos. J'y suis retourné 1985, cette fois, pour suivre des cours de chinois pendant cinq mois et j'ai vraiment apprécié. Je suis ensuite reparti en Australie pour un an, avant de trouver une bourse d'études et revenir étudier la langue à la Renmin University of China (Université populaire de Chine) en 1986. Quand j'étais étudiant, la plupart de mes amis chinois étaient des artistes, j'ai donc passé beaucoup de temps avec eux, notamment en les aidant à organiser leurs expositions.
La Tribune - Comment-vous est venue l'idée de fonder une galerie à Pékin?J'ai poursuivi mes études à la China Central Academy of Fine Arts de Pékin, en suivant pendant un an des cours d'Histoire de l'art chinois. Le programme était très vaste, ne s'arrêtant pas à la peinture, la sculpture ou la calligraphie, mais abordant également l'architecture, le mobilier et une large palette d'arts. J'ai ainsi reçu une très bonne formation de base. À l'issue de ce cursus, cela faisait cinq que j'étais en Chine et le projet d'ouvrir une galerie avait fait son chemin, notamment grâce aux nombreuses discussions que j'ai pu avoir avec mes amis artistes. Nous nous sommes rendus à l'ancien observatoire de Pékin, où nous avions déjà organisé des expositions, voir si nous pouvions y louer un espace mais c'était impossible. Ils nous ont, tout de même, fait part de l'endroit où se trouve actuellement la galerie, une tour de garde datant de la dynastie Ming, à Dongbianm en. Ces deux bâtiments faisaient partie du Bureau des vestiges culturels, qui a en charge la responsabilité des sites patrimoniaux au niveau de l'État. Nous étions les premiers locataires de cette tour fraîchement rénovée, un écrin hors pair.
La Tribune - Avec quels artistes avez- vous commencé cette aventure?La première exposition présentait des travaux de Zhang Yajie, Da Gong, Wang Lifeng et Wang Luyan. Certains de ces artistes sont passés à autre chose mais Zhang Yajie et Wang Lifeng sont toujours représentés par la Red Gate Gallery.
La Tribune - Comment l'ouverture de votre galerie a-t-elle été accueillie?C'était très excitant car nous étions la première galerie d'art contemporain privée, il n'y avait pas beaucoup d'opportunités pour les jeunes artistes à l'époque, ce qui a, d'ailleurs, continué pendant de nombreuses années. Nous étions excités à l'idée de présenter une galerie de style occidental et de montrer les travaux de nos artistes. Nous avions notre propre petite communauté, composée de jeunes artistes et d'un petit groupe d'expatriés, qui étaient alors très intéressés par la production contemporaine en Chine. Ils ont, d'ailleurs, été d'un grand soutien à la Red Gate Gallery.
La Tribune - En tant que galerie étrangère, comment pensez-vous avoir été perçue en Chine?Nous ne nous sommes jamais considérés comme une galerie étrangère, puisque je n'ai pas importé une galerie en Chine. Nous avons grandi avec la scène contemporaine chinoise. Je l'ai toujours perçue comme une galerie chinoise, dont il s'avère que le directeur et propriétaire, est un Australien. En me basant sur mon expérience dans le monde des affaires et sur les conseils de quelques personnes, nous avons pu créer quelque chose de totalement nouveau. Nous apprenions tous en même temps : les artistes, qui ne connaissaient rien en dehors de la pratique artistique, et nous autres qui dirigions la galerie, en découvrant les aspects commerciaux et marketing.
La Tribune - Pourriez-vous nous dire un mot sur l'histoire des différents quartiers artistiques de Pékin?Le quartier 798 a été découvert par des artistes vers 2001 et l'un des premiers artistes à s'y être installé n'est autre que Huang Rui. Les galeries et les studios se situent dans une énorme usine électronique vide, dans laquelle de nombreux bâtiments étaient inoccupés suite à l'effondrement de l'industrie au fil du temps. Les espaces étaient donc disponibles à la location à très bas coût et c'étaient de beaux espaces de travail. L'éclairage était bon, les pièces spacieuses et faciles d'entretien. Avec le temps, de plus en plus de galeries et d'artistes y ont emménagé. La première galerie à s'y être installée était Tokyo Art Projets, vers 2003. Tout cela a coïncidé avec le boom de l'art chinois, qui a commencé vers 2005. À cette époque, la scène artistique chinoise était très fluide, très brute et très excitante. La donne a, quand même, changé avec la crise financière et continu e encore d'évoluer. Le quartier devient moins axé sur l'art et plus porté sur le commerce, avec des bars et des restaurants, ce que déplorent certaines personnes. Je ne vois pas forcément cela comme une mort mais plus comme un changement de caractère.Il y a également le quartier de Caochangdi, au nord de 798, où de nombreuses galeries pointues sont installées. Elles y organisent des expositions de grande qualité. On peut également citer le quartier de Bei Gao, un « réservoir à studios », sorte de grand ensemble fait de plusieurs studios où vivent des centaines d'artistes. Ces artistes oeuvrent de concert afin de promouvoir la scène artistique du quartier, ce qui est génial.
La Tribune - Qui sont les principaux collectionneurs d'art en Chine? Avez-vous constaté un changement dans votre portefeuille clients?Nous dirigeons la galerie depuis environ 25 ans maintenant et jusqu'à il y a environ cinq ans, la plupart de nos clients étaient des étrangers. Depuis 2006, nous constatons qu'un public local commence à s'intéresser à notre art, coïncidant, en fait, avec un boom plus général de l'intérêt porté à la scène artistique. Aujourd'hui, 40 % à 50 % de notre clientèle est chinoise et cela dure depuis à peu près trois ans. C'est sans doute différent dans d'autres galeries qui sont chinoises à 100 %, elles comptent certainement dans leur portefeuille clients, une proportion de Chinois plus développée.
La Tribune - Tous les artistes chinois vendent-ils leurs oeuvres à prix premium ou cela ne concerne-t-il que des villes telles que Pékin et Shanghai?Il n'y a pas vraiment d'autres centres artistiques en Chine. Vous avez bien quelques galeries à Chengdu et Guangzhou mais la scène artistique commerciale se trouve clairement à Pékin et Shanghai. Je pense que toutes les galeries qui travaillent en étroite relation avec leurs artistes doivent faire attention à leurs prix et ne pas les augmenter rapidement sous prétexte que les artistes sont connus ou vivent dans des grandes villes. Cela vaut particulièrement si vous travaillez avec de jeunes artistes ou émergents, il faut garder une gamme de prix juste et stable, afin de construire leur image correctement. Vous n'avez aucun intérêt à proposer un prix élevé dès le départ car vous ne vendrez rien si personne ne connaît l'artiste. Je pense que les jeunes artistes comprennent que de nombreuses galeries veulent travailler sur la durée.
La Tribune - Comment s'est développé le marché de l'art chinois au cours de ces 25 dernières années?
Il parti de très petit avant d'exploser vers les années 2005-2008 pour ensuite ralentir à l'arrivée de la crise financière. Le marché est, aujourd'hui, plus mûr et le marché secondaire se développe de plus en plus. Beaucoup d'artistes chinois atteignent des prix élevés aux enchères. La crise financière a eu raison d'un bon nombre de galeries et d'artistes qui ont eu la part belle pendant le boom mais qui n'ont pas su pérenniser leur activité par la suite.
La Tribune - Pensez-vous que le travail proposé par des galeries chinoises est différent de celui proposé par des galeries dirigées par des étrangers?
Je pense que la plupart des galeries apprécient l'art contemporain chinois ainsi que la formation et l'éducation qui le sous-tendent. Un grand nombre de galeries étrangères sont néanmoins enclines à montrer de l'art étranger en Chine, alors que les galeries chinoises et le public chinois sont encore loin d'être familiarisés avec l'art contemporain occidental.En ce qui concerne l'avenir, je perçois une augmentation de l'intérêt de la part du public chinois pour l'art contemporain, car il apprend très rapidement sur le sujet. Avant, beaucoup de personnes se lançaient dans le monde de l'art pour faire de l'argent facile, pour la spéculation et l'investissement. Aujourd'hui, je vois plus de personnes qui doivent avoir 20 ans ou 30 ans, qui ne cherchent pas spécialement à investir. Ces personnes ont un emploi et un salaire qui leur permet de vivre correctement. Elles entrent en toute confiance dans les galeries et observent les oeuvres. Ce public achète pour lui-même, pas pour faire de l'argent et je pense vraiment que cela est une évolution à suivre...
La Tribune (France), no. 5671 - Focus, jeudi 19 mars 2015, p. 19
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