La reprise d'un conflit meurtrier dans le nord de la Birmanie, à la frontière avec la Chine, irrite le puissant voisin chinois et, au-delà, fragilise les efforts de paix.
Bombardements aériens, combats rapprochés... Dans la région de Kokang, en Etat Shan, l'armée birmane est aux prises avec des rebelles ethniques chinois.
Mais elle poursuit en parallèle ses négociations - qui ont formellement repris mardi - pour la signature d'un cessez-le-feu avec les nombreuses rebellions ethniques du pays.
La semaine dernière, la tension est montée d'un cran dans le nord de la Birmanie: la Chine a déployé des avions de combat à la frontière après l'explosion sur son territoire d'une bombe apparemment tirée depuis un avion de guerre de l'armée birmane, qui a tué cinq ouvriers agricoles.
Cet incident constitue une rupture "étonnante" dans les relations entre les deux alliés de long terme, estime Yun Sun, du Stimson Center's East Asia Program.
D'après lui, il s'agit du "plus grave incident" depuis l'attaque de l'ambassade chinoise en Birmanie en 1967 lors d'une émeute antichinoise. L'agitation devrait toutefois d'après lui rester limitée à la zone frontalière, estime-t-il.
Les combats meurtriers qui font rage depuis le début de février dans cette région de Birmanie ont contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir de l'autre côté de la frontière, dans la province chinoise du Yunnan.
La région birmane de Kokang entretient des liens très étroits avec la Chine: les populations locales parlent un dialecte chinois et le yuan est la monnaie en circulation.
Les autorités birmanes ont d'ailleurs accusé les responsables locaux de la région du Yunnan de fournir de l'aide aux rebelles, qui avait été expulsés de la région par une offensive massive de l'armée en 2009.
Elles ont également affirmé que le chef des rebelles de la région, Phone Kya Shin, mystérieux commandant octogénaire de l'armée du Kokang (MNDAA), était impliqué dans le trafic de drogue.
De son côté, la Chine a promis d'empêcher les rebelles d'utiliser son territoire mais a aussi demandé au gouvernement birman d'agir pour maintenir la sécurité de la frontière.
- "Sentiment antichinois" -
Les relations entre la Birmanie et la Chine sont très fortes depuis l'époque de la junte. Pendant des années, lorsque les militaires étaient au pouvoir et le pays totalement isolé du reste du monde, la Chine a servi de bouclier économique et politique pour la Birmanie.
Et en échange, la Birmanie a permis à la Chine de multiplier des investissements souvent controversés dans le pays - en particulier dans les barrages, les mines et les infrastructures énergétiques.
Mais depuis l'ouverture du pays en 2011, la Birmanie cherche à réduire cette dépendance, ce qui irrite Pékin, qui a demandé, après l'abandon d'un projet de barrage, que les droits des entreprises chinoises soient protégés.
Depuis quelques temps, le "sentiment antichinois est fortement réapparu" en Birmanie, explique Elliot Brennan, de l'Institut pour la sécurité et la politique de développement, qui estime qu'il s'agit d'une "grave préoccupation" pour Pékin.
En Birmanie, les médias officiels présentent le conflit comme une "guerre juste" contre des "renégats", cherchant aussi par ce biais une façon de redorer l'image de l'armée. Ce durcissement des positions et la participation d'autres groupes ethniques au conflit est suivi de près par les experts, qui y voit un mauvais signe.
"Le risque de contagion de ce conflit à d'autres est assez élevé", estime l'analyste indépendant Richard Horsey, qui considère que le soutien actuel de l'opinion publique est "sans précédent".
Ainsi certaines personnalités ou militants pour la démocratie ont apporté leur soutien à l'armée. Et sur les réseaux sociaux, beaucoup de Birmans utilisent maintenant comme photo de profil le logo des combattants de l'armée dans la région.
Un soutien perçu par certains comme un inquiétant signal que l'opinion publique birmane pourrait perdre patience face au long processus de paix entamé dans le pays.
© 2015 AFP. Tous droits réservés.
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Il y a 1 an
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