mardi 31 mars 2015

Pascal Serres : « En Chine, le potentiel est gigantesque pour les loueurs »

Filiale de la Société générale, ALD Automotive est le n° 2 mondial de la location longue durée de véhicules aux entreprises. Pour Pascal Serres, son directeur général délégué, ce marché, relativement mûr en Europe de l'Ouest, reste encore à développer ailleurs, pays émergents en tête.


Que représente ALD Automotive sur le marché mondial de la location longue durée?

A la fin de 2014, notre parc total atteignait 1,107 million de voitures. Il ne cesse de croître depuis une décennie, à un rythme annuel d'environ 10 %. L'essor d'ALD date du début des années 2000, avec le rachat par notre entreprise de l'activité de leasing de Deutsche Bank en 2002, puis d'Hertz Lease, en 2003, ce qui nous a permis de constituer un parc d'environ 400 000 véhicules, socle de notre développement actuel. Aujour - d'hui, nous avons des filiales dans une quarantaine de pays et sommes no 2 mondial, derrière le loueur LeasePlan, et devant d'autres acteurs comme le français Arval, le néerlandais Athlon Car Lease ou l'américain GE Capital.

Quels sont vos marchés clefs?

Nos plus gros parcs se situent en Europe de l'Ouest, où la location longue durée (LLD) est un produit plus ancien qu'ailleurs. Quatre pays comptent plus de 100000véhicules : le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie. Puis viennent l'Espagne, la Belgique, les pays nordiques... Nos grands relais de croissance, eux, se trouvent dans les pays émergents. Le Brésil et le Mexique ont près de 20000 voitures en parc et ont été nos marchés les plus dynamiques en 2014 (+ 30% et+25%). L'Europe centrale, avec des pays comme la Pologne (+ 20 %) et la République tchèque, a aussi un fort potentiel, ainsi que la Turquie et la Russie. Nous sommes présents en Inde et en Chine, mais avec, pour l'instant, des petits parcs (10000 voitures en Inde, 2000 en Chine).

Allez-vous investir de nouveaux pays?

La logique de notre expansion géographique, c'est l'accompagnement de nos clients. Nos grands comptes (dans la pharmacie, la haute technologie...) sont souvent plus internationalisés que nous. Ils veulent externaliser au maximum leur flotte, et nous demandent de nous implanter avec eux. Nous essayons de les accompagner en débordant des pays où nous sommes déjà actifs, en pri - vilégiant des marchés qui ont du potentiel, car la LLD est un métier d'économies d'échelle qui demande un certain volume. Nous regardons vers certains Etats d'Amérique latine, vers des pays proches de l'Europe... Mais le seul pays en cours d'ouverture, pour nous, est le Chili. Notre priorité aujourd'hui est moins de grandir que de consolider nos positions en améliorant la qualité de notre service. C'est là que nous concentrons nos investissements.

A l'étranger, visez-vous plutôt les grands comptes ou les PME?

En Europe de l'Ouest, il n'y a plus beaucoup de marge de croissance au niveau des grands groupes. Les opportunités sont plutôt dans leur accompagnement à l'international. Mais il reste des gisements au niveau des TPE-PME. Dans les pays émergents, il existe aussi un potentiel au niveau des grandes entreprises locales d'envergure internationale, qui regardent de plus en plus vers la LLD. Aujourd'hui, les grands clients mondiaux représentent 40 % de notre activité. Idem pour les clients nationaux, gérés par nos filiales locales, dont certains peuvent être très gros, dans les télécoms ou le courrier, par exemple. Les 20% restant sont réalisés via nos accords de marque blanche avec des constructeurs, surtout auprès de petites entreprises.

Observez-vous des différences entre les pays dans leur rapport à l'automobile?

Dans les pays émergents, c'est souvent un produit de luxe. Une voiture de fonction est alors un élément clef d'un package de rémuné ration. Et dans certains marchés, comme l'Inde ou le Mexique, les salariés conducteurs veulent systématiquement racheter leur véhicule à la fin du contrat de location. Le client local nous demande donc une valeur résiduelle la plus basse possible en fin de contrat. Alors qu'en Europe de l'Ouest, le client recherche une valeur résiduelle élevée, pour limiter le montant du loyer. Le véhicule y est un élément moins fondamental pour le salarié, et nous commençons d'ailleurs à travailler à des solutions de mobilité combinant la voiture à d'autres modes de transport. Les marques privilégiées par nos clients diffèrent selon les pays, à l'image des marchés locaux. En France, la demande est plus forte pour les constructeurs français, et en Allemagne, nous ne fournissons quasiment que des modèles allemands. Nous répondons à la demande nos clients, mais nous pouvons aussi les aider dans leurs choix. En Europe, aujourd'hui, les critères sont partout assez similaires : il faut trouver le meilleur coût complet d'utilisation dans un niveau d'émission de CO2donné. La fiscalité tend à jouer un rôle plus important qu'ailleurs. Il y a toutefois des tendances mondiales fortes. Un peu partout, on nous demande des reportings toujours plus précis, et une proactivité forte avec le conducteur. L'essor de la télématique embarquée offre beaucoup de possibilités à ce niveau. C'est vrai partout dans le monde : dans les pays émergents, on observe des sauts technologiques vers des solutions digitales parfois plus avancées qu'en Europe.

Et la LLD?

Aujourd'hui, les pays les plus en pointe sont le Royaume- Uni et les Pays-Bas, où elle représente environ 60 % des modes de financement des véhicules d'entreprise. A l'inverse, dans d'autres pays, elle existe à peine. Nous devons y valoriser notre offre, créer le marché - nous ne sommes pas mécontents de voir arriver d'autres acteurs pour nous y aider! Dans un pays comme la Chine, par exemple, la LLD est encore peu présente. Les entreprises préfèrent acheter leurs véhicules. Et les voitures de fonction se limitent au management ou aux expatriés. Il faudra encore du temps. Mais le potentiel est gigantesque et le jour où cela démarrera, nous serons bien positionnés.

ALD n'est pas directement implanté aux Etats-Unis, mais via un partenaire local. Pourquoi?

Les Etats-Unis sont un marché à part. En Europe, nous offrons des solutions au forfait, avec un tarif global. Aux Etats-Unis, les prestataires refacturent au client l'ensemble de l'entretien, des services, et font leur marge sur la commission qu'ils prélèvent. L'intérêt pour le client réside dans la capacité du loueur à négocier avec les fournisseurs - plus le loueur est gros, meilleurs sont les prix. Le ticket d'entrée est donc élevé sur ce marché, d'où notre alliance avec Wheels, l'un des leaders locaux.

Une entreprise peut-elle avoir une gestion mondiale de sa flotte?

Parmi les entreprises très internationales, très peu ont recours à un prestataire unique. Et aucun loueur n'est présent dans une centaine de pays, comme le sont certains grands groupes. Dans la pratique, pour des raisons d'organisation et de mise en concurrence, ceux-ci sélectionnent plutôt un nombre limité de constructeurs et de loueurs, tout en s'appuyant éventuellement sur un loueur de référence. Mais dans certains pays, sans LLD, ils doivent aussi parfois gérer leur flotte en propre. La situation est plus simple pour une grosse PME qui opère quelques centaines de véhicules dans son pays d'origine et veut s'étendre à l'étranger: elle pourra s'appuyer sur nous pour se doter de véhicules supplémentaires dans les quatreou cinqpays où elle s'implante.


ARVAL, L'AUTRE LEADER FRANÇAIS

Avec une flotte louée de 725000 véhicules (+ 6% en 2014), Arval est l'autre grand acteur français de la location longue durée qui s'impose au niveau mondial. La filiale de BNP Paribas est imp lantée dans une quarantaine de pays du monde, dont certains très dynamiques en 2014 : Turquie (+ 27 %), Hongrie (+ 21 %), Brésil (+ 18 %), Royaume-Uni (+ 15 %)... Le loueur s'est fixé comme objectif de dépasser les 800 000 véhicules fin 2016.

L'Express, no. 3325 - Conso/Entreprises, mercredi 25 mars 2015, p. 124
Frédéric Le Duff

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