dimanche 11 novembre 2007

La Chine achète - Erik Izraelewicz

Blog - L'analyse d'Erik Izraelewicz, 01/10/2007 - 09h18

Pékin a installé samedi un fonds d’Etat chargé d’investir sur les bourses occidentales, un fonds doté dès le départ de 200 milliards de dollars ! La Chine s’apprête donc maintenant à acheter nos entreprises.

Et la perspective inquiète. Que la Chine veuille investir en bourse une partie de ses économies, quoi de plus normal. Pékin a d’énormes réserves - plus de 1400 milliards de dollars. C’est le fruit de son travail. Pour l’instant, par sécurité, l’essentiel de ses économies a été placé en bons d’Etat, en bons du Trésor américain surtout. Avec la chute du dollar, les Chinois voient leurs économies fondre comme neige au soleil. Ils avaient mis tous leurs œufs dans le même panier. Ils veulent maintenant diversifier leurs placements, acheter aussi des actions, des titres de sociétés européennes par exemple. D’où la création de ce fonds d’Etat. Cela étant, comme toujours avec la Chine, un tel fonds inquiète. D’abord à cause de sa taille. 200 milliards de dollars tout de suite, c’est énorme. De quoi acheter un groupe comme Total par exemple. Il n’y a dans le monde que deux ou trois fonds d’Etat plus importants. Il inquiète ensuite parce que l’on peut craindre que ce fonds ne réponde davantage à des objectifs politiques qu’économiques, qu’il soit une arme financière au service des ambitions de pouvoir de Pékin plus qu’un simple instrument de placement.

Face à ces craintes, les Européens ne doivent pas paniquer. Il n’y aura pas de razzia chinoise sur les entreprises occidentales. Pas de sitôt en tout cas. La Chine a été refroidie par quelques échecs récents, aux Etats-Unis notamment. Elle avait voulu y acheter une société pétrolière : renvoyée dans ses buts. Elle avait acquis, il y a trois mois, 10% d’un grand fonds américain, Blackstone : avec la crise, elle y a déjà perdu 20% de son investissement ! L’Empire a compris qu’il faisait peur, qu’il ne connaissait pas le fonctionnement de ces étranges lieux de perdition que sont les marchés boursiers. Ce fonds ne prendra finalement que de toutes petites participations dans les entreprises - 1% ou 2%. Des placements purement financiers Il se fera aider par des gestionnaires occidentaux. Il adoptera, promis juré, une politique de père de famille. Cela étant, face à ce fonds, l’Europe doit absolument réagir. Réagir pour obtenir la réciprocité. Il ne saurait être question de laisser des fonds chinois investir librement en Europe alors que les fonds européens ne peuvent pas le faire en Chine. Réagir pour obtenir la transparence sur ce fonds. Il ne suffit pas qu’il proclame son indépendance par rapport à l’Etat, il doit le prouver. Réagir enfin pour que ce fonds investisse aussi en Europe, qu’il ne privilégie pas l’Amérique ou l’Asie comme il pourrait en être tenté. Ce fonds, c’est finalement une autre forme du défi chinois, une forme qui appelle, comme les autres, une réponse européenne.

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