Si les nuages sont bas sur Varsovie, ça se dégage un peu à Pékin. Et ce qui est un symptôme extrêmement intéressant de tout cela, c’est d’abord que les journaux n’ont pas consacré une grande part à la conclusion du Congrès du Parti Communiste Chinois (PCC). C’était autrefois un événement politique majeur, aujourd’hui ça ne l’est plus.
On a un peu l’impression, selon la belle expression du socialiste Saint-Simon – pas le Duc, le Comte – que finalement "l’administration des choses remplacera sur le gouvernement des personnes". Pourtant, ce n’est pas tout à fait vrai.
Hu Jintao, le Président du PCC, un homme qui a été constamment sous-estimé ces dernières années, a remporté de façon très habile ce Congrès. Mais, pour le comprendre, il faut revenir un peu en arrière.
Il existe une vie politique dans les pays de parti unique, comme il en existe une dans les pays de régime parlementaire. Les protocoles de lecture ne sont pas tout à fait les mêmes, mais on peut y arriver.
Pour dire les choses simplement, la vie politique à l’époque de Deng Xiaoping, dans les années 80 et encore au début des années 90, était scandée par l’opposition de partisans des réformes économiques, et partisans de l’ancien appareil planificateur du Parti, les maoïstes ayant été éliminés, où s’étant redistribués entre ces deux pôles.
Et bien, il y eut jusqu’à Tiananmen, un ascendant des partisans des réformes économiques, mais certains, notamment le Secrétaire général du Parti de l’époque voulait aller au-delà, vers la démocratie politique, et il y eut un durcissement des planificateurs.
Alors, à la fin du règne de Deng Xiaoping, le compromis passé était plutôt en faveur des planificateurs centralisateurs autoritaires, mais c’est là que le renversement extraordinaire s’est produit : la gauche est devenue la droite, la droite est devenue la gauche.
Car, avec Jiang Zemin qui était un homme dur qui dénonçât Gorbatchev comme lui-même trotskiste devant un Comité central assez dramatique en 1979 du PCC. Et bien, Jiang Zemin, arrivé au pouvoir, s’identifia avec l’enrichissement de tous les Chinois à peu près selon le mot d’ordre de Guizot, de sorte que le groupe autoritaire qui ne veut toujours rien laisser de pouvoir aux organismes décentralisés à la société, à la démocratie en somme dont la prospérité chinoise annonce probablement un jour l’avènement, ce groupe est devenu aussi hypercapitaliste et identifié au succès de Shanghai.
Alors, qu’au contraire, Hu Jintao, qui lui a été choisi par Deng Xiaoping qui vient des jeunesses communistes dont tout l’entourage a sympathisé au moins initialement avec les émeutiers de Tienanmen, tient aujourd’hui un discours d’austérité, de rattrapage du développement pour les campagnes, de remise en cause de l’enrichissement facile, et, bien entendu, de façon sous-jacente, l’autoritarisme.
Et Hu Jintao a montré un peu plus que le bout du nez., fort d’avoir réformé la commission militaire – c’est-à-dire mise en place des généraux plus jeunes et qui sont à sa main – en tenant un discours tout à fait pacifique à l’égard du Japon et de Taiwan, ce qui est l’indice dans la vie politique japonaise du libéralisme.
Autrement dit, Hu Jintao a réussi l’encerclement de ses adversaires. Il est plus libéral qu’eux et il garde ce programme (son premier adjoint , Li Keqiang, qui vient d’entrer à la direction du Parti, notoirement, est un homme du dialogue entre le Japon et la Chine , il est vrai qu’il est de la Mandchourie qui dépend énormément des investissements japonais). Et dans le même temps, Hu Jintao développe une critique quasiment maoïste de l’abandon des campagnes et des pauvres par des riches égoïstes, et il a purgé le Parti de Shanghai, enlevant ainsi à Jiang Zemin, son ancienne base.
Alors nous sommes en Chine. La victoire n’est jamais complète. C’est le jeu de go, ce n’est pas les échecs. Mais on peut dire qu’en tout cas, il sort de ce Congrès du PCC plutôt de bonnes nouvelles, à condition que l’occident comprenne que même cette Chine qui avance comme un éléphant dévalant une pente avec une richesse croissante, et aussi de problèmes écologiques et sociaux énormes, est une Chine plus faible qu’on ne le croit et qu’il faut encore aider. Aider différemment d’un pays du Tiers-monde, mais aider tout de même.
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