Yasuo Fukuda entame aujourd'hui une tournée de quatre jours sur le sol chinois. Il tentera de poursuivre le travail de rapprochement engagé par Shinzo Abe, son éphémère prédécesseur. Même si d'importants sujets de friction demeurent, notamment sur les questions énergétiques. Les firmes nippones délocalisent chaque année un peu plus leur production en Chine. L'empire du Milieu est devenu en 2006 le premier partenaire commercial de l'archipel, devant les Etats-Unis.
A Pékin, le Premier ministre japonais Yasuo Fukuda entend parachever les avancées de son prédécesseur Shinzo Abe, il y a un an. Là où ce dernier avait su briser la glace, il devrait parvenir à la faire fondre. A défaut d'instaurer une alliance de coeur entre les deux poids lourds de l'Asie. Pour y parvenir, l'hôte des dirigeants chinois peut se prévaloir des relations amicales qu'il a su entretenir de longue date avec tous les pays asiatiques, contrairement à nombre de politiciens japonais de premier plan. Mais si le chemin de Pékin s'annonce surtout comme celui de la raison entre deux pays dont l'interdépendance économique n'a cessé de se resserrer, il sera teinté, pour Yasuo Kukuda, d'une bonne dose de nostalgie.
A soixante et onze ans, le chef du gouvernement japonais a la mémoire suffisamment longue pour se souvenir du temps où c'était son pays et non la Chine qui jouait les stars incontestées de l'économie mondiale. Un temps où ce n'était pas les fonds souverains chinois mais les grandes sociétés japonaises qui faisaient frémir les Américains, inquiets de voir leurs plus beaux fleurons leur échapper. C'était il y a vingt-cinq ans, peu avant de voir le Japon, mis à mal par une décennie d'économie casino, s'enfoncer dans une crise dont il ne sort que laborieusement aujourd'hui. A un moment où beaucoup doutaient encore de l'avenir de la Chine, que Deng Xiaopin avait pourtant décidé de soumettre aux vents violents de l'ouverture et de la concurrence internationale.
Depuis lors tout a semblé basculer vers l'empire du Milieu. Le meilleur, avec une croissance et un dynamisme stupéfiants, et le pire, avec le casse-tête persistant de ce qu'on nomme poliment la sauvegarde de la propriété intellectuelle. Les Japonais n'ont pas été absents de cette course au nouvel eldorado des exportateurs. Avec plus de 210 milliards de dollars d'échanges, ils ont ravi l'an dernier aux Etats-Unis leur place de premier partenaire commercial de Pékin. Plus prudents en matière d'investissements directs, ils ont aussi été les premiers à « relocaliser » tout ce qui, en recherche et développement, leur permettait de garder un cran d'avance technologique sur leurs concurrents chinois.
Paradoxe de la démographie au Japon et de l'héritage maoïste de l'enfant unique en Chine, les deux pays ont, en revanche, un sérieux sujet d'inquiétude commun pour l'avenir : celui du défi politique, social, économique que constitue le vieillissement de la population et la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Mais hormis cette menace, l'harmonie sans nuage n'est pas près de régner entre deux pays que tout lie, sur le plan économique. Et tout oppose, sur le plan géostratégique.