jeudi 27 décembre 2007

Les entreprises chinoises déstabilisées par la nouvelle loi sur le travail - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20076 - International, jeudi, 27 décembre 2007, p. 6

Le texte qui entrera en vigueur le 1er janvier 2008 renforce les droits des salariés chinois. Les groupes étrangers ne redoutent pas de bouleversement. Mais beaucoup craignent une hausse du coût du travail dans de nombreux secteurs.

Les entreprises chinoises ont été surprises. Habituées jusqu'ici à des législations plutôt favorables à leur développement, elles n'avaient pas anticipé l'entrée en vigueur au 1er janvier 2008 d'une très contraignante loi sur le contrat de travail. Réagissant dans l'urgence, beaucoup de groupes ont tenté, ces derniers mois, de la contourner. Huawei vient ainsi de défrayer la chronique en imposant à plus de 7.000 de ses employés, présents dans la société depuis au moins huit ans, un plan de « démission volontaire ». Le géant des télécoms redoutait l'impact financier de l'un des articles de la nouvelle loi, selon lequel tout employé ayant travaillé pendant plus de dix ans pour un même employeur doit automatiquement profiter d'un contrat à durée indéterminée, plus avantageux en cas de licenciement. En réemployant sur de nouvelles bases ses employés « démissionnaires volontaires », Huawei aurait pu repousser l'échéance des dix ans. Son plan a finalement été dénoncé par l'ACFTU, le syndicat officiel lié au Parti communiste, et abandonné. « Toutes les entreprises qui tentent d'échapper à leurs responsabilités seront punies », a martelé, à la suite de l'incident, Xie Liangmin, l'un des cadres du syndicat.

Paiement des charges sociales

Après avoir longtemps redouté un nouveau durcissement de l'environnement des affaires, les entreprises étrangères semblent, elles, accueillir avec sérénité le nouveau texte. « Pour la plupart, elles sont déjà aux normes », remarque Franck Desevedavy, associé du cabinet Adamas à Pékin. S'inspirant des pratiques occidentales pour rédiger leurs contrats locaux, les groupes européens ou américains ont déjà accordé, en Chine, un cadre protégeant leurs employés lors des périodes d'essai ou des licenciements. « On ressent beaucoup plus d'inquiétude chez les employeurs chinois ainsi que chez les investisseurs asiatiques, et notamment taïwanais, qui ont largement profité ces dernières années des souplesses du droit du travail chinois », pointe l'avocat.

Désormais, selon les termes du nouveau texte, les entreprises ne pourront plus employer des travailleurs sans contrat pendant plus d'un mois. Chaque contrat signé impliquera le paiement par l'employeur des charges sociales (retraite, chômage, assurance...). Les périodes d'essai, dont beaucoup ont abusé, vont, elles, être réduites. La fin des contrats de travail impliquera également le paiement d'indemnités, estimées à un mois de salaire par année de travail. « Les employeurs qui avaient jusqu'ici largement compté sur des employés temporaires, pour ne pas payer les charges sociales, pourraient ressentir une hausse significative de leur coût du travail », pointe Jun Ma, l'économiste en chef de la Deutsche Bank à Hong Kong.

Vers la « société harmonieuse »

Les grands distributeurs, les restaurants, les groupes de construction et les producteurs de produits à faible valeur ajoutée devraient particulièrement souffrir. Les sociétés de services collectifs, elles, se frottent les mains. De nombreux groupes d'Etat se sont résolus à externaliser leurs services de restauration, de gardiennage ou de nettoyage pour réduire le nombre de personnes qu'ils emploient directement.

Le texte, affirme d'ailleurs Jun Ma, aura un impact positif sur le long terme. Il contribuera au développement de la « société harmonieuse », dessinée par le président Hu Jintao, en accroissant la protection sociale à l'échelle nationale, en limitant les conflits sociaux souvent violents dans le pays et en renforçant la loyauté des travailleurs envers leur entreprise.

YANN ROUSSEAU DE NOTRE CORRESPONDANT À PÉKIN.

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