dimanche 16 décembre 2007

La famille de Mme Kadeer, dissidente ouïgoure, est la cible de "représailles" - Brice Pedroletti

Le Monde - International, samedi, 15 décembre 2007

Le sort d'un des fils de Rebiya Kadeer, célèbre dissidente ouïgoure aujourd'hui exilée aux Etats-Unis, Ablikim Abdureyim, 34 ans, emprisonné au Xinjiang (ouest de la Chine) depuis fin 2006 inquiète ses proches. Ils appellent le gouvernement chinois à lui donner les soins médicaux d'urgence qu'il nécessite.

Ablikim Abdureyim aurait eu des difficultés à reconnaître les membres de sa famille autorisés, le 6 décembre à Urumqi, chef-lieu du Xinjiang, à lui rendre visite pour la première fois depuis son emprisonnement. Malade du coeur, il serait tombé plusieurs fois dans le coma. La police chinoise a répondu à la famille que sa condition risque d'empirer "s'il refuse de coopérer" et de "reconnaître sa culpabilité criminelle", explique dans un communiqué l'ONG Uyghur Human Rights Project (UHRP), basée à Washington et liée à Mme Kadeer.

Ex-femme d'affaires millionnaire, érigée en modèle par le régime, Mme Kadeer est tombée en disgrâce après avoir dénoncé les atrocités commises par l'armée chinoise lors de la répression de manifestations à Gulja (Yining en chinois) en 1997. Accusée d'avoir révélé des secrets d'Etat, elle fut emprisonnée en 1999, puis exilée en 2005. Des officiels chinois lui avaient alors conseillé de ne pas se mêler de politique, sans quoi sa famille et ses avoirs au Xinjiang seraient "finis". Depuis, le gouvernement chinois, qui soumet la minorité ouïgoure à une répression brutale au motif, depuis 2001, de "dérives terroristes et extrémistes", a acculé ses entreprises à la faillite et n'a cessé de harceler sa famille. Amnesty international parle de "représailles".

En mai 2006, trois des onze enfants de Mme Kadeer, dont Ablikim, sont ainsi placés en garde à vue juste après qu'elle eût pris la tête de l'Association ouïgoure américaine. En juin, Ablikim et l'un de ses frères sont passés à tabac par les policiers, qui forcent la fille de Mme Kadeer à l'appeler aux Etats-Unis, raconta la dissidente.

Le jour de son élection à la présidence du Congrès mondial ouïgour, en novembre 2006, deux de ses fils sont condamnés pour crimes économiques. Ablikim, lui aussi arrêté, fut jugé en secret, sans avocat, et condamné pour "activités subversives" en avril 2007. "Mes fils sont innocents, ils sont ciblés en raison de mes activités à l'étranger. C'est une souffrance terrible pour eux, j'en paye le prix, mais j'ai décidé de continuer à lutter pour mon peuple", nous disait-elle lors d'un entretien à Washington il y a quelques mois.

Brice Pedroletti