C'est un montant record de 41,6 milliards de dollars (28,8 milliards d'euros) que l'Association internationale de développement (AID) pourra dépenser, de juin 2008 à juin 2011, au profit des pays dont le revenu annuel par habitant est inférieur à 1 065 dollars. L'enveloppe arrêtée, vendredi 14 décembre à Berlin sous l'égide de la Banque mondiale, compte 9,5 milliards dollars de plus qu'au cours des trois années précédentes.
Pour la première fois, la Chine, qui était encore emprunteur auprès de l'AID il y a huit ans, fait partie des 45 donateurs. Ce n'est pas tant les quelques dizaines de millions de dollars promis qui importent, mais le fait que Pékin ait décidé symboliquement de se joindre à la communauté internationale pour financer les pays en développement.
Depuis plusieurs mois, Pékin faisait l'objet de vives critiques pour les prêts de plusieurs milliards de dollars qu'elle consentait à certains pays africains riches en ressources naturelles et minières et dont les dettes venaient à peine d'être effacées par leurs créanciers internationaux.
Organe de la Banque consacré aux 80 pays les plus pauvres de la planète, c'est-à-dire à 2,5 milliards de personnes, l'AID est le plus puissant bailleur de fonds multilatéral. Il accorde des dons pour 20 % de la douzaine de milliards de dollars déboursée chaque année. Le reste est affecté à des prêts pouvant aller jusqu'à 40 ans, avec un délai de grâce de 10 ans pour le remboursement du capital. Ils sont sans intérêt, mais supportent une commission de 0,75 %.
Cet argent est utilisé, par exemple, à la construction d'infrastructures comme les 3 000 kilomètres de routes rurales aménagées au Nicaragua ou le programme d'électrification dont ont profité 2,7 millions de Vietnamiens. Il a permis de développer le microcrédit en Tanzanie ou de cofinancer les programmes de scolarisation des filles dans le secondaire au Bengladesh.
Tous les trois ans, l'AID doit reconstituer son "trésor de paix" et demander aux pays les plus argentés de lui garantir un certain montant de dons pour réaliser un programme arrêté en commun.
Baptisé "IDA 15", le quinzième cycle triennal a débuté au printemps dernier dans de mauvaises conditions en raison de la faible crédibilité du président de la Banque mondiale de l'époque, Paul Wolfowitz. Celui-ci faisait l'objet d'une accusation de népotisme et s'était mis à dos les bailleurs de fonds européens, exaspérés par sa croisade contre la corruption qui l'avait conduit à stopper de façon inconsidérée plusieurs programmes.
MONTANTS RECORDS
En juillet, l'arrivée de son successeur, Robert Zoellick, a apaisé les esprits et permis de faire adopter les priorités de l'IDA 15 : l'Afrique, les pays fragiles, les pays sortant de conflits, les ensembles régionaux et un meilleur suivi des programmes d'aide. M. Zoellick a ajouté sa touche personnelle en demandant que les conséquences du changement climatique, qui pénalisent d'abord les pays pauvres, soient intégrées aux programmes de l'AID.
Outre les montants record promis par la Banque et les Etats, le 14 décembre, IDA 15 comportent des nouveautés. Pour la première fois, les Etats-Unis ne sont plus le premier bailleur de fonds ; ils ont été relégués à la seconde place par le Royaume-Uni, qui a porté sa contribution à 2,134 milliards de livres (3 milliards d'euros), soit une progression de 49 % par rapport à IDA 14. Le nouveau premier ministre britannique, Gordon Brown, confirme ainsi la priorité à l'aide au développement décidée par son prédécesseur, Tony Blair.
D'autre part, la Chine n'est pas le seul ancien bénéficiaire de l'AID à avoir promis une contribution. Elle a été imitée par Chypre, l'Egypte, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie pour des montants encore non précisés.
Enfin, des fonds d'origine privée en provenance de deux banques japonaises ont été acceptés dans l'enveloppe commune et pourraient faire des émules lorsqu'un cadre réglementaire organisera l'apport de cette forme de générosité à l'aide multilatérale.
Le résultat obtenu à Berlin remet incontestablement en selle la Banque mondiale, qui était de plus en plus concurrencée en matière d'aide par des fonds dédiés (lutte contre la tuberculose ou le sida) ou par des fonds privés (fondations Bill et Melinda Gates ou George Soros).
Elle est ainsi confirmée comme le spécialiste du développement et le maître d'oeuvre indispensable pour résister à l'atomisation croissante de l'aide. Car il ne suffit pas de vacciner pour faire reculer la mortalité infantile, encore faut-il apporter de l'électricité pour conserver les vaccins dans un réfrigérateur et installer des égouts pour éviter les épidémies.
La Banque mondiale s'affirme comme la seule institution mondiale capable de parler de bonne gouvernance avec un gouvernement, de participer à l'élaboration d'un livre d'éducation sexuelle pour les élèves du secondaire et de mettre au point un programme de préservation de la forêt tropicale.