mercredi 30 janvier 2008

DROIT - Chine : un environnement juridique plus complexe - Arnaud Depierrefeu

Les Echos, no. 20099 - Compétences, mercredi, 30 janvier 2008, p. 13

L'année 2008 ouvre une étape majeure dans la frénésie législative que connaît la Chine depuis son adhésion à l'OMC en décembre 2001.

La loi sur les contrats de travail du 29 juin 2007 impose depuis le 1er janvier 2008 des obligations complémentaires à tous les employeurs dans le recrutement et le licenciement de leurs salariés. En matière de relations collectives sera mise en place une obligation de consulter les instances représentatives du personnel et les syndicats, en voie de constitution ou de développement, sur les questions essentielles intéressant les salariés. La loi sur la fiscalité des entreprises du 16 mars 2007, également en vigueur depuis le 1er janvier, a supprimé les avantages les plus significatifs ouverts aux investisseurs étrangers et mis en place un taux uniforme d'imposition des bénéfices de 25 %. Le fait d'implanter une unité de production ou de destiner sa production à l'exportation n'est plus fiscalement encouragé. L'implantation dans une zone économique spéciale n'ouvre plus droit à un régime dérogatoire. Un système d'avantages fiscaux plus sélectifs sera mis en place, non plus par origine des capitaux mais par nature de l'activité (nouvelles technologies notamment).

Les acquisitions d'entreprises à capitaux chinois par des étrangers, de plus en plus fréquentes, vont subir de nouveaux aménagements. A la suite d'un texte controversé du 8 août 2006, pas moins de 20 textes réglementant les acquisitions sont annoncés d'ici au 1er août 2008, date d'entrée en vigueur d'une nouvelle loi antimonopole votée le 30 août 2007. Certes, les considérations politiques ne sont pas étrangères à cet activisme : la volonté de protéger certains secteurs ou emblèmes contre les capitaux étrangers est réelle. Mais n'est-elle pas aussi mise en oeuvre en France, singulièrement lorsque des Chinois s'intéressent à un fleuron de notre industrie ?

Mieux réguler l'économie

Les évolutions s'expliquent surtout par la nécessité de mieux réguler une économie en voie de maturation rapide : les règles du jeu changent parce que le marché lui-même a considérablement changé. Moins nombreux sont les étrangers qui veulent produire à bas coûts pour réexporter vers leur marché d'origine. Beaucoup s'installent désormais en Chine pour servir le marché chinois, dont les besoins augmentent et se complexifient. La distribution et les services tendent à supplanter les investissements purement industriels.

La transformation de la physionomie des investissements étrangers sera amplifiée par le nouveau catalogue d'orientation en vigueur depuis le 1er décembre 2007. Ce document de référence établi conjointement par la NDRC (l'organisme central de planification) et le Mofcom (le ministère du Commerce) répertorie 478 secteurs : 351 secteurs sont encouragés (+ 94 entrées par rapport au précédent catalogue), 87 restreints (+ 9) et 40 interdits (+ 5). Il encourage notamment les industries les plus innovantes, les centres de R&D, les technologies de l'environnement, mais aussi certains services de pointe (outsourcing de services informatique et de management, services d'appui aux banques, centres d'appels et de traitement des données).

La Chine cherche ainsi à confirmer l'évolution de son positionnement dans l'échelle mondiale de la production et des services : elle veut attirer les activités à valeur ajoutée nécessaires au développement de son marché intérieur et ne pas laisser à l'Inde le monopole de la sous-traitance de la matière grise. Son intégration dans l'économie mondiale explique aussi certains bouleversements : la suppression d'avantages fiscaux réservés aux étrangers résulte de la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement. La plupart des nouveaux textes sont applicables indifféremment aux entreprises à capitaux chinois et à celles à capitaux étrangers, manifestant la convergence progressive du droit des investissements étrangers avec le droit commun des affaires. Les investisseurs étrangers sont toujours les bienvenus, mais ils doivent apprendre à se développer en tenant compte d'un environnement économique et juridique plus complexe. La Chine n'est pas moins accueillante mais sûrement plus exigeante pour qui veut y réussir.

Note(s) :

(*) Avocat au barreau de Paris, cabinet Adamas à Shanghai.

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