Finalement, les Jeux Olympiques ont l’effet que beaucoup attendaient : ils ont obligé la Chine à faire un pas en avant. Jusqu’ici, le pays était entièrement concentré sur sa croissance économique, sa prospérité, les moyens dont partageaient les fruits. C’étaient donc des débats de politique intérieure et à fleurets mouchetés parce que le Parti Communiste ne tolère pas encore de débats ouverts sur ces questions qui prévalaient.
Et voici que, effectivement, le succès prévisible des Jeux Olympiques, en tout cas, le rapproche, entraîne un débat sur la place de la Chine dans le monde qui ne peut plus être la même – tout le monde en convient – après cette phase d’hyper croissance qu’elle vient de traverser.
Et ici, les questions qui sont soulevées sont d’un plus haut intérêt. Il est en effet évident qu’on retrouve à l’intérieur du pouvoir chinois un clivage que l’on connaît bien : celui des mondialistes et des alter mondialistes.
Les mondialistes, c’est d’abord le Premier ministre, Wen Jiabao, lequel n’a cessé de prôner pour la Chine une politique d’apaisement pour les États-Unis, de rapprochement avec la communauté internationale, de présence forte aux Nations Unis. Et l’on voit que, à plusieurs reprises, le Président Hu Jintao a arbitré en sa faveur notamment dans la crise de Birmanie, où la Chine n’a pas soutenu les militaires birmans qui espéraient beaucoup d’un soutien de Pékin lorsque la répression des bonzes eut été atteint son point culminant, et même au Darfour, on a vu la Chine choisir un profil beaucoup plus bas, les premières sanctions contre l’Iran ont été votées au Conseil de sécurité, et, enfin - c’est là où la Chine a joué un rôle important - la Corée du Nord a été contrainte peu à peu de renoncer à son programme nucléaire et va continuer à se débattre comme elle le pourra, mais la présence chinoise a assuré, quand même, la décroissance de ce phénomène.
Et bien, tout le monde n’est pas d’accord. En particulier dans une revue d’un grand intérêt, un général de la sécurité d’État qui s’appelle Yang Xuetong et un amiral considéré comme le cerveau de l’État major de l’armée chinoise, Yan Min, proposent une autre approche de la diplomatie chinoise, peut-être plus dangereuse. L’un et l’autre ont été baptisés par les Américains de néo-conservateurs à la chinoise, car ils ne croient ni à l’ONU, ni au multilatéralisme. Mais en revanche, certaines de leurs propositions sont beaucoup plus fines que celles des néo-conservateurs américains.
Yang Xuetong, en particulier, général de la sécurité d’État, n’a cessé de faire le lobbysme pour une grande organisation régionale asiatique incluant par conséquent l’Asie du Sud-Est, l’ASEAN, les deux Corées et, malgré tout, le Japon. Mais, avec l’idée de faire de l’ASEAN, un partenaire permanent de la Chine comme le sont l’Allemagne et la France, et du Japon, un témoin muet comme la Grande-Bretagne garantissant quand même l’ouverture de cette communauté sur le monde, mais en excluant vigoureusement les États-Unis et l’Australie, ce qui est un objectif de politique étrangère bien clair.
En réalité, le projet de Yang Xuetong, c’est le projet d’une grande Chine régionale, avançant aussi ses pions en Afrique et cherchant à créer une sorte de grand marché autarcique qui rappelle furieusement la zone de coprospérité des expansionnistes japonais des années 30, mais en plus subtiles, évidemment !
Il y a simplement un petit codicille aux propositions de l’amiral et du général : presque tous les pays qui sont envisagés comme partenaires de cette grande zone, de cette Chine étendue, depuis la Corée du Sud jusque la plupart des pays d’Asie du sud-est, Birmanie et Vietnam exceptés - et bien sûr Taiwan - tous ces pays sont à des degrés divers engagés dans la démocratisation. Elle n’est pas parfaite, mais si déjà la Chine atteignait le niveau de démocratie qui règne en Indonésie ou en Thaïlande, ce serait un immense progrès. Aussi, en apparence, ce projet peut être considéré comme néo-impérial. En réalité, une Chine qui se rapproche du reste de l’Asie ne peut pas rester la dernière lanterne rouge de la démocratisation. C’est pourquoi le débat en Chine aujourd’hui n’est qu’apparent. Ce sont des contournements de la question essentielle : démocratisation de la Chine. Elle ne tardera pas à venir notamment avec les Jeux Olympiques.
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