jeudi 13 mars 2008

CINÉMA - Tang Wei, une actrice chinoise punie pour un rôle de "traîtresse" - Pierre Haski

Rue89 - Chinatown, mercredi, 12 mars 2008
Tang Wei est une des jeunes actrices qui montent dans le cinéma chinois depuis son premier rôle fracassant dans "Lust Caution" d'Ang Lee, auréolé du Lion d'or à Venise l'an dernier. Mais elle vient d'être abattue en plein vol par les autorités chinoises justement pour avoir accepté ce rôle.

Le couperet est tombé à la faveur d'une pub anodine pour une crème de beauté, interdite de diffusion à la télévision, et retirée par la cyberpolice de tous les sites internet chinois qui l'avaient relayée.

Dans "Lust Caution", Tang Wei joue le rôle d'une jeune Chinoise, membre d'un groupe de résistants amateurs à l'occupation japonaise de la Chine, qui reçoit pour mission de séduire un "collabo" des Japonais pour mieux l'assassiner. Mais à la dernière minute, elle cède à la passion et sauve le "traître".

Le film avait déjà subi un premier assaut de la censure en raison des scènes de sexe trop nombreuses et trop explicites au goût des prudes apparatchiks du Parti. Puis la critique s'est déplacée sur le fond: la morale du film -l'amour plus fort que le patriotisme- était inacceptable et indéfendable. D'autant que le réalisateur, Ang Lee ("Tigres et Dragons", "Brokeback Mountain") est Taiwanais, même s'il a tourné son film dans les studios d'Etat de Shanghaï, avec tous les soutiens et feux verts officiels nécessaires.

Résultat: Ang Lee a été blacklisté dans les médias chinois, qui n'ont même plus le droit de mentionner son nom. Tandis que Tang Wei vient de découvrir qu'elle en subit elle aussi les conséquences avec cette pub bannie, alors qu'elle avait été annoncée par la marque chinoise à grand renfort de publicité, y compris un article sur le site de Xinhua, l'agence officielle chinoise.

Cette affaire montre que malgré une tentative d'assouplissement ces dernières années, la censure cinématographique chinoise a encore de beaux jours devant elle. D'autant que le patron de la SARFT (Administration d'Etat pour la radio, le cinéma et la télévision) venait de déclarer, dans une autre affaire, qu'il ne punissait jamais les actrices pour les films dans lesquels elles avaient tourné, même quand ceux-ci étaient bannis.


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