Avez-vous décidé d'effectuer cette visite en Europe après la crise au Tibet ? Devez-vous en rendre compte à Pékin ?
Nous avions prévu de venir à Paris, Bruxelles et Milan avant le début des émeutes au Tibet et la vague de contestation liée aux Jeux olympiques. De plus, pour ce type de déplacement, nous n'avons pas à demander la permission aux autorités de Pékin. Il est cependant vrai que ce sujet et les relations entre la Chine et le Tibet intéressent souvent mes interlocuteurs. Je leur rappelle juste que le Tibet est une partie de la Chine depuis très longtemps.
Les restrictions imposées par la Chine sur les visas pour limiter les entrées sur son territoire durant les Jeux olympiques touchent aussi les hommes d'affaires non chinois de Hongkong. Est-ce la fin de votre modèle " un pays, deux systèmes " ?
Non, nous conservons notre spécificité. Dès que nous avons appris la mise en place de cette mesure qui empêchait, d'un coup en effet, des hommes d'affaires ayant leur siège à Hongkong de visiter aussi souvent qu'ils le voulaient leur usine dans le reste du pays, nous avons pris contact avec le ministre des affaires étrangères chinois. Nous lui avons dit que cette mesure nous faisait du tort, qu'elle allait contre nos intérêts et que la liberté de déplacement pour la communauté d'affaires était un vrai besoin.
Nous ne pouvons pas aller contre la loi de notre pays, mais nous avons obtenu, voilà deux semaines, un examen compréhensif des demandes dès lors que les intéressés peuvent démontrer le bien-fondé de leur visite, même fréquente. De plus, ces restrictions seront réévaluées en octobre, soit après la fin des Jeux olympiques.
Votre visite fait suite à celles de hauts dirigeants de Shanghaï et de Taïwan en Europe. La place financière de Hongkong souffre-t-elle de la compétition de ces places émergentes ?
La compétition est une bonne chose. C'est pour nous l'occasion de souligner notre avantage compétitif. Hongkong a toujours été la porte d'entrée privilégiée des investisseurs occidentaux en Chine, du fait de notre système, la " Rule of Law " (droit hérité du système britannique), de son indépendance, de sa transparence... Les investisseurs sont familiers de ce système : 6 000 compagnies étrangères sont déjà établies à Hongkong. Les produits que nous proposons restent meilleurs que ce qu'offrent Shanghaï ou Taïwan. Nous avons encore de l'avance dans ce domaine.
L'économie de Hongkong n'est-elle pas, plus durement qu'ailleurs en Asie, ébranlée par la crise des subprimes ?
Au cours des quatre dernières années, la croissance à Hongkong a été de 7,2 % par an. Cette croissance exceptionnelle est notamment le fruit de notre coopération renforcée avec la Chine continentale.
Ce nouvel équilibre nous rend moins dépendants de l'économie américaine que par le passé, même si les Etats-Unis restent notre troisième partenaire commercial. Cela explique que notre système bancaire soit en bonne santé malgré la crise des subprimes. Aujourd'hui, les banques de Hongkong, comme HSBC, ont dû passer des provisions à cause de la crise sans toutefois se mettre en danger. Mais nous restons vigilants.
En étant plus proches de la Chine, vous subissez un autre travers : l'inflation, là-bas, a dépassé les 8,5 % en avril.
L'inflation est le prix à payer de ces années de forte croissance. A Hongkong, la hausse des prix, de 4 % cette année, est moins élevée qu'en Chine, mais c'est une préoccupation. Cette inflation est liée aux produits alimentaires que nous importons de Chine, le riz, le porc... car nous n'avons pas d'agriculture. Aujourd'hui, nous tentons d'aider les populations qui en font les frais, mais nous ne nous attendons pas à des mesures drastiques de la part de la Chine pour corriger ce phénomène.
Avez-vous des projets économiques spécifiques avec la France ?
Notre objectif est avant tout de consolider et de renforcer les relations entre Hongkong, la France et plus globalement l'Europe, notre deuxième partenaire commercial, en rencontrant les différents ministres et responsables des affaires économiques.
Nous souhaitons, en particulier, nous entretenir avec la France de notre projet culturel, le " West Kowloon Cultural Development ". Un complexe de 40 hectares dont la première phase de construction pourrait s'achever vers 2014-2015 pour un budget total estimé à 21,6 milliards de dollars hongkongais (1,8 milliard d'euros). Ce complexe sera entièrement dédié à la culture. Or l'art français est très populaire chez nous. Nous avons déjà un partenariat avec le Musée Guimet à Paris. Nous aimerions le prolonger et mettre aussi en place des échanges avec ce musée et le Centre Pompidou, auxquels nous pourrions proposer nos oeuvres.
Vous allez aussi rencontrer Michel Barnier, ministre de l'agriculture...
Nous avons supprimé l'intégralité des taxes sur le vin et la bière. Nous voulons développer les importations de vins français qui font leur entrée dans la culture asiatique. Notre marché donnera accès à la clientèle des 7 millions d'habitants de Hongkong mais aussi à toute l'Asie, et notamment aux 13 millions de plus hauts revenus chinois.
Propos recueillis par Jacques Follorou et Claire Gatinois
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