mardi 13 mai 2008

La dernière fois que la terre a tremblé, la Chine a changé d'ère - Pierre Haski

Rue89 - Chinatown, mardi, 13 mai 2008
Le précédent tremblement de terre massif en Chine remonte à 1976, et reste gravé dans toutes les mémoires chinoises car il a précédé de quelques semaines la mort de Mao Zedong. C'était le 28 juillet 1976 à 3h52 du matin: un séisme de 8,2 sur l'échelle de Richter, dont l'épicentre se trouvait à Tangshan, dans la province du Hebei, dans l'est de la Chine, provoqua l'une des plus grandes catastrophes du XXe siècle: officiellement 242719 morts, et selon d'autres estimations jusqu'à 700000 victimes.


Dans un pays qui interprète en permanence les signes, ce séisme a été interprété comme porteur de grands changements. Il intervenait quelques mois après le décès, le 8 janvier 1976, de Zhou Enlai, le Premier ministre, très aimé de la population car perçu comme un rempart contre les outrances du Grand Timonier Mao Zedong.

Et il précéda de peu la disparition, le 9 septembre 1976, de Mao lui-même, le Dieu vivant de la Chine depuis des décennies, marquant la fin d'une ère.

Difficile de ne pas penser à cet événement charnière dans l'histoire de la Chine moderne en entendant les nouvelles du séisme du Sichuan. Car s'il reste une constante en Chine, c'est bien cette dimension symbolique forte, comme l'a montré le choix du 8 août 2008 (8-8-08) à 8 heures pour l'ouverture des Jeux olympiques de Pékin. Et ce séisme s'est produit à précisément ... 88 jours de cette date.

Mais les mêmes causes ne produisent pas nécessairement les mêmes effets. En 1976 et en 2008, le pouvoir chinois est toujours entre les mains du parti communiste chinois, mais là où il y avait il y a trente-deux une fin de règne attendue par tous, il y a aujourd'hui un pouvoir revigoré qui a fait de la Chine l'une des grandes puissances du moment.

Autre différence: en 1976, Pékin avait refusé toute aide internationale et la Chine s'était repliée sur elle-même pour faire face à son malheur. Aujourd'hui, les dirigeants chinois, instruits par les expériences du passé, et même par le mauvais exemple (qu'ils ont soutenu!) de leurs amis de la junte birmane face aux conséquences du cyclone Nargis, jouent une relative transparence.

Les télévisions montrent en boucle le premier ministre Wen Jiabao, un habitué de l'exercice, sur tous les fronts de la tragédie, apportant réconfort aux victimes, coordination et impulsion politique pour rendre les secours plus rapides, plus efficaces.

Le pouvoir chinois sait qu'une partie de sa légitimité se joue dans ces catastrophes naturelles dont la Chine est coutumière. Au début de l'année, on avait pu voir le même Wen Jiabao faire face à la colère de centaines de milliers de "mingongs" (migrants) bloqués par la neige au moment où ils s'apprêtaient à retourner dans leurs villages pour le nouvel an chinois.

Un pouvoir autoritaire compassionnel, telle est l'image projetée par le parti communiste dans de tels moments.

Il n'empêche: 2008 devait être l'année de gloire du pouvoir chinois avec ces JO sur lesquels il a tant investi, dans tous les sens du terme; elle se transforme en "annus horribilis".

Les intempéries du début de l'année ont perturbé la vie de centaines de millions de personnes pendant des semaines, suivies des événements du Tibet qui ont provoqué une crise d'image pour le pouvoir chinois dans l'opinion mondiale et sont loin d'être terminés, et enfin ce violent séisme et ses milliers de morts dans la province la plus peuplée de Chine, le Sichuan. Pour qui croit aux signes, il y a de quoi faire...

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