Une idolâtrie qui doit se mesurer à l'immense population d'un pays qui, en 2004, s'est découvert une nouvelle force à travers ce jeune homme. Liu Xiang restera le premier à avoir offert à son pays l'or olympique en athlétisme, la discipline reine pour laquelle les Chinois entretenaient un certain complexe.
À l'aéroport de Pékin, son visage vous sourit partout où vous portez les yeux. Ambassadeur des Jeux, il porte le rêve de la fête que le pays, bouleversé par le séisme au Sichuan, attend avec encore plus de ferveur nationale en août prochain. Comme une évidence, Liu Xiang sera à nouveau le roi. Ses résultats depuis les Jeux d'Athènes, un record du monde (12''88 en 2006) et un titre mondial (2007), exacerbent cette certitude. Alors sa victoire samedi, dans la compétition test qui marquait l'inauguration définitive du « Nid d'Oiseau », le stade olympique, n'a fait que conforter ce parti pris national.
«Il est très difficile d'expliquer aux gens que ce sera dur pour Liu d'être à nouveau champion olympique, soupire le directeur technique national Feng Shuyong. Nous essayons de leur dire que si Liu est très fort, ses adversaires le sont tout autant et que l'on ne peut garantir qu'il gagnera l'or. » Une cellule réduite de personnes oeuvre tous les jours à côté de Liu Xiang pour qu'«il soit détendu, qu'il reste lui-même, qu'il n'ait besoin de rien et qu'il se prépare dans les meilleures conditions». Il faut comprendre loin de la ferveur de la foule que le champion, qui fêtera le 23 juillet ses 25 ans, subit plus qu'il n'apprécie. «J'aimerais parfois être un homme ordinaire », a-t-il confié hier au centre national d'entraînement de Pékin.
Liu Xiang vit reclus. Il est hors de question pour lui de descendre dans la rue. Ces derniers jours à Pékin, quelqu'un s'est chargé de l'emmener de son appartement jusqu'à la piste du stade olympique. Isolement forcé, sans lequel il aurait dû répondre aux sollicitations des milliers de volontaires, voire à celles parfois tout aussi idolâtres des journalistes chinois. «C'est tellement dingue que nous n'avons pas d'autre solution que de le protéger», sourit Luo Chaoyi.
10 % de ses gains à la fédération
Le vice-président de la fédération chinoise ne peut cependant que se réjouir de posséder une telle superstar. «Grâce à lui, plus de Chinois viennent dans les stades et s'intéressent à l'athlétisme, qui n'est pas très populaire ici.» Grâce à lui, la fédération s'est trouvé une formidable vitrine et... une manne financière. Si, en Chine, un athlète reverse une partie de ses gains au système qui l'a façonné, avec Liu Xiang, cet apport prend une autre dimension. Ses partenariats avec des gros sponsors l'ont placé au troisième rang du classement du magazine Forbes des personnalités chinoises les plus fortunées. Sur ses gains, « 10 % reviennent à la fédération et 10 à 15 % aux associations provinciales d'athlétisme », précise Luo Chaoyi.
Usé par cette ferveur populaire, Liu Xiang ne court plus dans des compétitions nationales. Les autorités ont accepté ce choix même si certains organisateurs locaux ont dû renoncer à leur événement, faute de public sans la star à l'affiche. Liu Xiang et son entourage ont même envisagé de préparer les Jeux à l'étranger. L'Australie fut sérieusement évoquée. Le projet fut abandonné. Selon le DTN, Liu Xiang a du mal à rester trop longtemps dans un même endroit hors de Chine, en raison de la nourriture et des problèmes de communication. Il part aujourd'hui aux États-Unis pour deux courses. Mi-juin, il sera de retour à Pékin jusqu'aux Jeux.
Liu Xiang a pu mesurer ce qui l'attendra cet été. La semaine dernière, les quelque 90 000 places du « Nid d'Oiseau » étaient presque toutes occupées par un public frémissant à chacun de ses gestes. Son faux départ en demi-finale créa l'émoi. Qu'il désamorça avec ses mimiques qui le rendent si glamour aux yeux du public. « Je voulais alléger la tension du stade », expliqua-t-il. Son nouveau faux départ en finale était plus inattendu. Sun Haiping, son entraîneur mentor, l'expliqua par la lenteur des starters chinois à donner le départ.
Cela n'a pas empêché Liu Xiang de gagner. 13''18 en coupant son effort, troisième meilleure performance de l'année. « J'espère que ce sera le deuxième lieu de naissance de ma carrière », s'est-il projeté. Et Luo Chaoyi de glisser : « Les gens seront malheureux s'il ne gagne pas. »
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