Mais la Chine commence à payer très cher cette démesure: les 8% les plus riches détiennent 60% du capital financier; avec une population vieillissant aussi vite que celle de l'Occident, 90% des Chinois n'ont ni retraite ni assurance-maladie; les grandes agglomérations sont au moins trois fois plus riches que les zones rurales; plus de 200 millions de travailleurs sont migrants, sans aucune protection. Le pays manquera de plus en plus de produits agricoles, d'énergie et d'eau; l'inflation, aujourd'hui très faible, triplera dès 2007; en raison de la pollution, 90% des réserves d'eau et des lacs sont inutilisables et la Chine est en passe de devenir cette année la première émettrice mondiale de dioxyde de carbone. Au total, la dégradation de l'environnement coûtera dès 2007 plus que ne rapportera la croissance.
Bientôt, la Chine ne pourra plus ignorer ces enjeux. Elle devra augmenter à tout prix sa production agricole, arrêter d'utiliser des céréales pour produire de l'éthanol, améliorer l'environnement, ses systèmes de santé, d'éducation et d'agriculture. Il lui faudra également organiser une protection sociale des plus démunis et des familles. Et, pour cela, réorienter vers l'intérieur sa production, dont les deux tiers, aujourd'hui, vont à l'exportation. Elle en a les moyens: ses réserves de change dépassent le trillion de dollars et la valeur boursière de ses entreprises dépasse 1,3 trillion de dollars.
L'Europe sera la principale victime d'une telle évolution: comme la Chine ne pourra plus soutenir le cours du dollar, celui-ci baissera, ce qui ruinera nos exportations; et, si les Etats-Unis défendent leur monnaie en augmentant les taux d'intérêt, cela fera plonger l'économie des pays européens, si endettés. Aider la Chine à maîtriser sa croissance, ce serait non pas aider un concurrent, mais, au contraire, permettre d'éviter que ses soucis ne deviennent notre cauchemar.
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