mercredi 14 mai 2008

Pas de délocalisation - ST Dupont veut retrouver la flamme - Patrick Lemoine

La Croix, no. 38052 - Economie, mercredi, 14 mai 2008, p. 12
Après un incendie au début de l'année qui l'a fortement pénalisée, un mouvement social a récemment malmené l'entreprise, mais la production de briquets et stylos ne devrait pas être délocalisée. ST Dupont est au briquet ce que les montres suisses sont à l'horlogerie : un bel objet devenu une référence sur son marché, en l'occurrence celui des articles de luxe pour fumeurs.

Depuis que le Savoyard Simon Tissot-Dupont, le fondateur de la dynastie, a lancé en 1872 des articles de maroquinerie pour le voyage, l'entreprise a en effet élargi sa gamme et s'est bâti un nom en se distinguant, depuis 1935, par son savoir-faire en matière de laquage d'articles ouvragés. En 1941 est ainsi lancé le briquet, puis le stylo (1973), avant les clés USB à la fin de l'année, avec à chaque fois le plus souvent des modèles laqués.

Hélas, ce qui constitue la pierre angulaire de son savoir-faire si particulier est devenu son talon d'Achille, en janvier dernier, lorsqu'un incendie s'est déclaré à Faverges (Haute- Savoie), dans l'atelier de galvanoplastie qui permet le plaquage des productions maisons. Au lieu des 500 briquets produits quotidiennement, ST Dupont n'a réussi qu'à sortir à peine 300 articles par semaine. La sous-traitance a été organisée, et c'est en fin d'année que l'entreprise devrait retrouver le rythme de production d'avant l'incendie.

Fort heureusement, une assurance couvre la perte d'exploitation liée à cet incendie. Sagement, les dirigeants avaient contracté une lourde prime lorsqu'un premier incendie avait déjà causé de gros soucis à l'entreprise, dans les années 1970. Une fois complété le dossier de sinistre, l'indemnisation devrait permettre de verser un intéressement uniforme aux salariés, de l'ordre de 1 000 à 1 500 € par personne. Aux yeux de la direction, cela constitue un élément de sa proposition pour en finir avec le mouvement social de neuf jours qui a paralysé l'entreprise jusqu'au 29 avril dernier, avec occupation de l'usine, pour obtenir une revalorisation des salaires.

Toutefois, pour Catherine Bondi, secrétaire CFDT du comité d'entreprise, « le compte n'y est pas » lorsque l'on compare les augmentations obtenues aux revendications initiales des 350 salariés du site de Faverges. La centrale syndicale aurait souhaité que pour la même enveloppe globale, les bas salaires progressent davantage. De son côté Nicolas Melin, directeur des ressources humaines, observe que « l'entreprise ST Dupont n'échappe pas à la situation ambiante qui voit les salariés être confrontés à une reprise de l'inflation ».

Une assurance toutefois : l'entreprise dont l'actionnaire de référence est un Chinois depuis son rachat à l'américain Gillette en 1987 « ne sera pas délocalisée ». Dans cette région se trouve un « concentré des compétences liées à l'horlogerie et l'orfèvrerie », relève Nicolas Melin. Une raison objective pour conserver à Faverges les productions de briquets et de stylos (chacun 25 à 30 % du chiffre d'affaires total), lorsque les articles de maroquinerie (plus de 40 % du chiffre d'affaires) sont fabriqués « en Europe ». Toutefois, exception notable, le prochain briquet d'entrée de gamme, appelé « Jet », sera produit en Chine pour lui permettre d'être plus accessible aux bourses plus modestes. L'essentiel de la production de briquets est en effet exportée notamment vers la Chine ou la Russie, pays qui n'ont pas pris de mesures restrictives à l'encontre des fumeurs. Il demeure que, comme pour d'autres industries, le cours des monnaies ne facilite pas l'écoulement des produits sur les marchés extérieurs à la zone euro. Une fois oubliées les séquelles de l'incendie, ST Dupont espère néanmoins confirmer les premiers résultats de la stratégie mise en oeuvre par Alain Crevet, son PDG en place depuis seize mois, pour conquérir de nouveaux marchés.





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