lundi 26 mai 2008

Pékin et Moscou célèbrent leur alliance pour un monde multipolaire - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20178 - International, lundi, 26 mai 2008, p. 8
La Chine a commandé à la Russie une usine d'enrichissement nucléaire et a signé un contrat de fourniture d'uranium semi-enrichi. Mais les négociations sur des livraisons de gaz et de pétrole n'ont pas progressé. « Les relations russo-chinoises sont un des plus importants facteurs de maintien de la stabilité » dans le monde, a insisté Dimitri Medvedev.

Bien que rarement cités, les Etats-Unis ont été au coeur de la plupart des entretiens organisés ce week-end à Pékin entre le nouveau président russe, Dimitri Medvedev, et les dirigeants chinois. Se montrant souvent agacés par la toute-puissance américaine sur la scène internationale et la méfiance de l'Occident à l'égard de leur renaissance économique et diplomatique, la Chine et la Russie cherchent, depuis le début des années 2000, à mettre en scène leur rapprochement stratégique et plaident régulièrement pour un monde multipolaire. « Les relations russo-chinoises sont un des plus importants facteurs de maintien de la stabilité », a insisté Dimitri Medvedev en soulignant, sans mentionner les Etats-Unis, que l'alliance entre Moscou et Pékin « ne vise aucune autre nation », mais a pour but de « maintenir un équilibre global » dans le monde. « Certains n'aiment pas ce genre de coopération stratégique entre nos pays, mais elle sert les intérêts de notre peuple et nous la renforcerons, que d'autres aiment cela ou non », a affirmé le chef d'Etat russe. Vendredi, les deux présidents avaient déjà fermement condamné le projet de bouclier antimissiles américain en Europe de l'Est.

Guerres d'influence

Pour illustrer leur rapprochement, les deux pays ont signé un accord prévoyant la construction par Moscou d'une usine d'enrichissement nucléaire en Chine d'un montant de 500 millions de dollars (335 millions d'euros) ainsi qu'un contrat de fourniture d'uranium semi-enrichi, estimé, lui, à au moins 500 millions de dollars. Ils poursuivent également leur discussion sur la construction par la société russe Atomstroiexport de deux nouveaux réacteurs sur le site de Tianwan dans la province du Jiangsu, à l'est de la Chine.

Hu Jintao et Dimitri Medvedev n'ont, en revanche, pas fait progresser les négociations sur les nouveaux achats par Pékin de gaz et de pétrole russes. Les grands groupes d'Etat russes semblent peu pressés de construire de nouveaux pipelines permettant d'alimenter la croissance chinoise. Ils évoquent des problèmes de prix. Certains spécialistes avancent la méfiance de Moscou à l'encontre de la montée en puissance de Pékin.

Malgré la célébration de leur coopération et l'affirmation d'une communauté de vues sur de nombreux dossiers internationaux (Kosovo, Iran...), Moscou et Pékin semblent, en effet, toujours peiner à se faire pleinement confiance. S'ils ne s'affrontent plus pour dominer le monde communiste, comme dans les années 1960 et 1970, les deux pays continuent de se livrer à de sourdes guerres d'influence en Asie centrale pour s'assurer un accès privilégié aux importantes réserves de matières premières de la région.

YANN ROUSSEAU

Note(s) :

DE NOTRE CORRESPONDANT À PÉKIN.

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