A propos de sanctions, je suis de ceux qui ont fait, et font, campagne pour le boycottage des Jeux olympiques de Pékin si la Chine persiste, au Conseil de sécurité, à faire obstacle à toute résolution sur le Darfour. Et ce que j'ai dit du Darfour, je suis prêt à le redire, naturellement, de cette pauvre Birmanie, dont le régime dépend grandement, pour sa survie, du soutien de ladite Chine. Mais en même temps...
Oui, en même temps, les choses sont compliquées. Les meilleures idées ont parfois des effets pervers. Et une part de moi ne peut pas ne pas songer qu'il y a une façon de dire, dès qu'un problème se pose, « voyez la Chine ! », une façon de sauter comme des cabris en répétant « la Chine ! la Chine ! » comme si cela devait suffire à tout régler, dont le résultat concret est de se débarrasser du problème, de fuir nos responsabilités et d'éviter d'avoir à se poser la question de ce que nous pourrions, nous aussi, faire. La Chine, asile de toutes les indignations. La Chine, poubelle de nos émotions. Le pétrolier Total, en attendant, explique tranquillement qu'il ne fera rien.
Un dernier mot sur la Birmanie. Et une proposition concrète. C'est ce vendredi 12 octobre que sera décerné le prix Nobel de la paix. Pourquoi ne pas l'attribuer, une seconde fois, à Aung San Suu Kyi, la Dame de Rangoun ? Il y a des précédents. A ma connaissance, il y en a même quatre. Maria Sklodowska-Curie, prix Nobel de physique en 1903 et de chimie en 1911. Linus Pauling, chimie en 1954, paix en 1962. John Bardeen, deux fois Nobel de physique (1956 et 1972). Frederick Sanger, deux fois, aussi, le même Nobel (chimie). Rien, autrement dit, n'y fait obstacle. Rien, aucun usage, n'interdit d'honorer de nouveau l'incarnation de la résistance birmane. Et, pour les généraux qui la séquestrent, quel camouflet ce serait ! quel message !
Bernard-Henri Lévy
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