Au lecteur qui commence à être blasé face aux records économiques chinois à répétition, en voici un qui fait quand même sursauter: la plus grande capitalisation boursière au monde est désormais celle de la société PetroChina, représentant pratiquement deux fois le Produit intérieur brut (PIB) de tout le continent africain réuni, ou près de la moitié du PIB de la France! Avec une valorisation de près de 1000 milliards de dollars au lendemain de son introduction en bourse, PetroChina "pèse" l'équivalent des Américains ExxonMobil et General Electric réunis.
Il faut dire que PetroChina, qui reste contrôlé par l'Etat chinois à 86%, se trouve au carrefour de trois secteurs à forte croissance: l'économie chinoise qui se développe au rythme annuel de plus de 10%, le pétrole qui frôle les 100$ le baril, et la bourse chinoise qui explose depuis des mois. Son introduction à la bourse de Shanghaï lundi lui a permis de lever quelque 9 milliards de dollars, et son cours s'est envolé de 191% dès l'ouverture du marché.
Ce succès s'inscrit pleinement dans l'envolée de la Bourse de Shanghaï qui a grimpé de 500% depuis 2005, et toutes les tentatives de calmer le jeu de la part du gouvernement qui redoute une bulle spéculative trop forte, n'ont pas réussi à calmer l'enthousiasme des investisseurs privés chinois. Ceux-ci augmentent au rythme de 200000 à 300000 nouveaux comptes boursiers par jour, aspirant une partie de l'énorme épargne privée chinoise... Un paradoxe dans un pays qui compte aussi une extrême pauvreté rurale.
PetroChina est emblématique de ces mastondontes chinois, héritiers du vieux secteur étatique, qui se transforment progressivement en géants à l'échelle mondiale sous l'impulsion du gouvernement. L'approvisionnement pétrolier de ce géant glouton devenu importateur net il y a une décennie, est une véritable priorité nationale. Ce choix implique une diplomatie très orientée vers les sources d'énergie (Golfe, Afrique, Amérique latine), et la levée de moyens financiers pour ratraper un retard sur les "majors" occidentales tant en terme de réserves internationales que sur le plan de la distribution domestique.
Ces chiffres de la valorisation de PetroChina donnent évidemment le vertige car, même à l'échelle chinoise, ils sont astronomiques, et, de fait, déconnecté de la réalité de cette entreprise et de sa capacité à générer des bénéfices. Mais telle est la logique de l'économie chinoise, avançant à un rythme de casse cou, laissant pas mal de dégats sociaux et écologiques sur le bas-côté, mais sans dérrailler - jusqu'ici.
Pierre Haski
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