Xie Qihua dirige Baosteel, le premier aciériste chinois et numéro cinq mondial, depuis quatorze ans. Une longévité qui a permis au groupe de se transformer en une entité qui pourrait, se murmure-t-il, prendre une participation dans le géant minier BHP.
Mao Zedong avait beau dire que « la femme est la moitié du ciel », la gent féminine a pourtant bien du mal à être représentée dans les niveaux décisionnels en Chine, que ce soit en politique ou dans les affaires. Deux femmes ont pourtant personnifié à elles seules l'application de cette quasi-doctrine maoïste : la vice-Première ministre Wu Yi et la présidente du groupe du géant de l'acier Baosteel, Xie Qihua. Mais le fait qu'elles soient systématiquement exposées comme les exemples de la réussite féminine en Chine prouve leur indéniable isolement.
A 64 ans, la femme d'affaires est plus active que jamais, même si elle a démissionné l'an dernier du poste de présidente de Baosteel pour diriger la maison-mère. A l'heure où le géant chinois de l'acier est cité comme éventuel candidat à une prise de participation dans le géant minier BHP pour contrer une OPA de ce dernier sur Rio Tinto, son surnom de « femme de fer » commence à être connu au-delà des simples barrières du secteur minier.
Son entrée dans le métier remonte à 1968. A peine diplômée, elle travaille en tant que technicienne dans une usine. Elle y restera dix ans avant d'intégrer Baosteel. Sa progression sera dès lors graduelle mais régulière. En 1994, elle devient la directrice exécutive de la société et quatre ans plus tard, soit vingt ans après son arrivée, la vice-présidente du groupe.
Au gré des fusions et acquisitions, elle le transforme en l'une des plus puissantes entreprises du pays et l'un des premiers aciéristes mondiaux.
« Pendant la reconfiguration du groupe, j'ai dû réduire le nombre d'employés de 176.000 à 90.000 et j'ai dépensé 10 milliards de yuans (1 milliard d'euros) entre 1998 et 2005, expliquait-elle il y a deux ans. Ce n'est que grâce à cette réorganisation que Baosteel a été assez puissant pour réaliser des acquisitions. »
Aujourd'hui, Baosteel est devenu le cinquième aciériste mondial avec des ventes 2007 de 22,66 millions de tonnes d'acier pour 191,56 milliards de yuans (19 milliards d'euros). Ses ambitions se font de jour en jour plus grandes. En 2005, le groupe a décidé que sa capacité de production d'acier serait doublée d'ici à 2010 à 40 millions de tonnes annuelles, puis à nouveau doublée d'ici à 2012, à 80 millions de tonnes afin de devenir le numéro deux mondial du secteur.
Baosteel est l'exemple typique de la mise en place de la politique gouvernementale de création de champions nationaux : il a atteint sa dimension actuelle après le rapprochement de trois entités en 1998.
En juillet 2005, le gouvernement a ensuite émis le désir de restructurer et de recentrer l'industrie autour de ses principaux acteurs. Les dix plus gros d'entre eux avaient reçu pour objectif de représenter 50 % de la production nationale en 2010, 70 % en 2020, contre 35 % en 2005.
La sidérurgie chinoise souffre en effet d'un mal sévère : l'ultrafragmentation. Deux rapprochements ont ainsi été annoncés à l'été 2005 et à l'été 2006, mais aucune des deux opérations ne s'est concrétisée. Alors que la concentration avait permis aux dix premiers groupes de réaliser 37,57 % de la production nationale totale en 2006, leur part s'est réduite à 36,79 % en 2007 suite à l'expansion de petites aciéries, principal moteur de la hausse de 15,7 % de la production totale d'acier à 489,2 millions de tonnes.
Le poids de la Chine sur le secteur ne cesse ainsi de s'accroître. Lors du premier trimestre 2008, la production mondiale d'acier s'est élevée à 340,7 millions de tonnes dont 124,9 millions de tonnes, soit 36,6 %, pour la seule Chine. La production mondiale ne s'est accrue que de 4 % contre 8,6 % pour la Chine. Néanmoins, la Chine reste largement dépendante de ses partenaires pour son approvisionnement en minerai de fer. Elle achète 80 % de celui-ci auprès de l'Australie, de l'Inde et du Brésil.
Afin de limiter cette dépendance, Baosteel a annoncé la semaine dernière sa volonté d'acheter des parts dans le troisième fournisseur australien de minerai de fer, Fortescue Metals Group. Très probable que Xie Qihua y soit pour quelque chose.
Illustration(s) :
© reuters.
© Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2008
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