En menaçant le bien-être du monde entier, la crise financière a éclipsé tous les problèmes qui se posent à la planète. Nos relations avec la Chine bénéficient de ce changement de perspective. Le retournement est spectaculaire. L'heure n'est plus à la brouille du printemps, lorsque la répression au Tibet et l'indignation qu'elle a suscitée menaçaient d'entraîner nos deux pays dans une brouille disproportionnée.
Les Chinois ont compris que la vigueur de leur économie réelle ne les mettait pas à l'abri de la débâcle financière, née aux États-Unis dans un environnement très différent du leur. Déjà, les faillites se multiplient parmi les entreprises exportatrices et le ralentissement de la croissance est manifeste. La mondialisation a atteint une telle ampleur que la Chine ne restera pas indemne. Si rien n'est fait, elle ne sera pas la locomotive qui sortira le reste du monde de la récession. Comme la France et l'Europe, la Chine et l'Asie doivent donc tout faire pour que l'Amérique tire les leçons de ce qui se passe et ne se contente pas de demi-mesures en attendant une nouvelle crise de liquidités.
Ainsi, lorsque Nicolas Sarkozy a voulu transformer en forum de décision l'aimable cénacle de l'Asem qui, depuis 1996, réunit tous les deux ans Européens et Asiatiques, il a trouvé des dirigeants chinois attentifs. À Pékin, étaient présents douze des vingt pays qui seront à Washington le 15 novembre pour le « nouveau Bretton Woods », destiné à réformer le système financier international. Les quarante-trois pays de l'Asem comptent pour 60 % du PNB mondial, illustrant ainsi le glissement vers l'Est du pouvoir économique mondial. L'occasion était trop belle pour ne pas lancer un message à l'adresse de Washington.
En jugeant insuffisantes les mesures prises jusqu'à présent, en réclamant « une plus grande régulation financière » et en se disant prêtes à prendre « une part active » au prochain sommet de Washington, les autorités chinoises ont mis tout leur poids dans la balance pour favoriser l'initiative du président français. Entre la Chine et la France, entre l'Asie et l'Europe, une communauté de vues s'est dégagée.
C'est important, parce qu'il va falloir faire bouger les États-Unis. À bout de course, George W. Bush est sur la défensive. Il dit qu'il veut « préserver les fondements du capitalisme démocratique ». En 1944, quelques semaines après le débarquement en Normandie, la conférence de Bretton Woods avait consacré la suprématie économique des États-Unis. Aujourd'hui, il s'agit de domestiquer Wall Street et de tenir compte du nouvel équilibre économique mondial. Les dirigeants chinois ont beau être communistes, ils sont prêts à participer au sauvetage du capitalisme. Et ils savent qu'ils peuvent faire entendre leurs voix.
En prenant la tête de la campagne pour un « nouveau Bretton Woods », Nicolas Sarkozy a remis la France dans le rôle qui plaît aux Chinois : celui d'un pays qui tient tête à la superpuissance américaine et derrière lequel ils peuvent avancer sans trop s'exposer. C'est la raison pour laquelle les retrouvailles franco-chinoises peuvent être durables.
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