Grâce au visa Schengen, valable à la fois pour la Suisse et l'UE dès le 12 décembre, les touristes chinois devraient être plus nombreux à visiter notre pays l'an prochain. Suisse Tourisme anticipait récemment 316000 nuitées chinoises pour 2009, contre 230000 à fin 2007. Dans cette perspective, une deuxième agence a été ouverte à Shanghai en août, et un vol direct Swiss relie cette ville à Zurich depuis mai 2008.
Encore faut-il que ces efforts ne soient pas réduits à néant par un phénomène qui prend de l'ampleur dans les villes helvétiques, notamment Genève: les vols et agressions dont sont victimes les visiteurs asiatiques. L'agence Chine Nouvelle a jugé la situation assez préoccupante pour diffuser, à deux reprises, des avertissements et conseils d'auto-protection repris par de nombreux médias chinois. Le Quotidien du peuple, plus grand journal du pays, s'apprêterait à faire de même. Il y a un mois, l'ambassadeur de Chine à Berne a contacté à ce sujet Suisse Tourisme, qui se dit «préoccupé» par le problème.
Le coup des faux billets
A la différence d'autres touristes, les Chinois se déplacent souvent avec de fortes sommes en espèces, ce que les criminels organisés autour des gares et autres lieux publics ont vite remarqué. Yang Jingde, correspondant en chef de Chine Nouvelle à Genève, cite une dizaine d'incidents, dont les victimes étaient généralement des personnalités de haut niveau. Une professeure renommée prenant le train de Zurich à Lucerne, où elle était invitée à un séminaire sur l'avenir des villes, s'est fait dérober son sac - contenant argent, billet et tous ses documents - par deux jeunes qui prétendaient l'aider à placer sa valise sur un porte-bagages.
La femme d'un collègue de Londres s'est fait voler ses bagages en gare de Cornavin par des hommes qui faisaient semblant de renseigner sur le fonctionnement des consignes automatiques. Plusieurs cas de vols à l'astuce impliquent des escrocs se faisant passer pour des policiers en civil à la recherche «de faux billets» liés à du trafic de drogue. Ils amènent le visiteur naïf à sortir son portefeuille et lui en subtilisent tout ou partie.
Une délégation chinoise s'est fait dérober du matériel informatique coûteux dans ses chambres quatre étoiles à l'heure du petit déjeuner. Des visiteurs officiels se sont fait agresser en plein jour devant un magasin de souvenirs en face de la gare, un autre a été poursuivi le long du Rhône.
Cloîtrés à l'hôtel
«Les Chinois ont une image si idyllique de la Suisse qu'ils ne se méfient pas», dit Yang Jingde, en poste à Genève depuis 2006. Son collègue Liu Jun du journal Clarté, auteur de plusieurs livres sur la Suisse, est arrivé pour la première fois en 1994 dans la Cité de Calvin et a eu connaissance de «dizaines de cas» ces dernières années, dont des agressions près du Monument Brunswick ou au Jardin anglais. «Il serait exagéré d'affirmer que l'insécurité règne en Suisse, mais la situation s'est clairement dégradée en dix ans», dit-il.
Les agences de voyages spécialisées confirment. Sunlight Act cite un véhicule dévalisé à Plainpalais, une agression à la rue de Lyon et le cas d'une délégation si effrayée qu'elle est restée cloîtrée plusieurs jours à l'hôtel. Eurasie a vu une autre délégation se faire voler du matériel vidéo dans un minibus forcé en un tournemain. «C'était impressionnant de rapidité, le travail d'une bande organisée», dit une représentante de l'agence, qui a dû rassurer ses clients catastrophés. «Les cas sont en augmentation, on ne peut plus faire confiance, dommage», ajoute-t-elle. Ses plaintes à la police sont restées sans effet: «On dirait qu'ils s'en fichent.»
Réputation écornée
A la police, on recense 3995 vols à la tire de janvier à novembre 2008 (4486 pour 2007), 1264 vols à l'astuce (1390) et 5337 vols dans des véhicules (5691). De janvier à novembre, 77 affaires concernaient des lésés chinois (qui peuvent aussi être des résidents). «Les chiffres sont faibles», commente le porte-parole de la police, concédant «une plus grande activité en octobre».
Ces chiffres ignorent les plaintes non déposées et surtout le fait que les victimes, généralement influentes, diffusent à leur retour leurs souvenirs négatifs de Suisse. «Notre réputation de tranquillité et de salubrité est sérieusement écornée», dit Gérald Béroud, consultant en relations Suisse-Chine qui a plusieurs fois sauvé des situations compromises. «Les Suisses qui viennent en Chine ont généralement une mauvaise image, qui s'améliore avec le temps. Pour nous, c'est le contraire», dit un Chinois établi en Suisse.
Encadré(s) :
L'impact de la crise
Jean-Claude Péclet
Outre la crainte d'être dévalisé, la crise économique pourrait amener Suisse Tourisme à réviser à la baisse ses prévisions optimistes en ce qui concerne le nombre de visiteurs chinois en 2009.
D'ores et déjà, le nombre de nuitées en provenance de Chine a reculé de 139000 à 124500 (-10,4%) pour la saison d'été (mai à octobre), alors qu'au total la Suisse enregistrait une progression de 1,8%. La baisse est aussi sensible pour le Japon et Hongkong, un peu moins pour l'Inde.
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