Au sortir de la Révolution culturelle, la Chine disposait de médias aux ordres, relayant les slogans du jour. Trente ans plus tard, l'internet, les nouvelles technologies et la concurrence commerciale permettent aux journalistes de repousser la censure, dans certaines limites. Récemment, les médias et l'internet chinois ont pris pour cible les autorités d'une ville de la province du Henan, l'accusant de dilapider l'argent public en se dotant de onze vice-maires, estimant, comme l'ont écrit Les Nouvelles de Pékin, que « cela dépasse la limite acceptable pour le peuple ».
Il y a quelques semaines, l'agence Chine Nouvelle évoquait, pour la première fois depuis longtemps, le mouvement de mécontentement des chauffeurs de taxi de Chongqing en utilisant le mot « grève ». De plus en plus, des sujets autrefois tabous sont abordés par les médias chinois, en particulier par les quotidiens et magazines dits « commerciaux », qui ont vu le jour depuis le milieu des années 90. Contrairement aux organes dépendant du Parti communiste et des gouvernements locaux, dont ils sont les filiales, ils doivent lutter avec leurs propres moyens, car ils ne disposent pas de subventions, et doivent donc attirer le public.
« Alors que les journaux du Parti ont tendance à faire des articles de pure propagande louant les actions des dirigeants du Parti, les journaux commerciaux offrent quelquefois une couverture plus nuancée, constate David Bandurski, chercheur au centre d'études du journalisme et des médias de l'Université de Hong Kong. Bien sûr, les médias doivent continuer à obéir à leurs maîtres du Parti pour assurer leur survie mais ils ont aussi de nouveaux maîtres : des millions de consommateurs de médias, de moins en moins crédules. Cette tension ouvre des espaces pour un journalisme assez bon, malgré les contrôles ».
Les tabous : Taïwan, Tibet, Tiananmen, Falungong...
Cependant, il reste des territoires qu'il faut éviter : les événements de Tiananmen en 1989, soutenir l'indépendance de Taïwan, afficher une quelconque sympathie envers le Falungong, mouvement d'inspiration bouddhiste interdit en Chine et violemment réprimé, ou avoir une vue proche des Occidentaux sur le Tibet. Si les cadres locaux peuvent être l'objet d'enquêtes, les hauts dirigeants du gouvernement central sont intouchables.
Un tabou résumé par une expression : « Vous pouvez tuer les mouches, pas les tigres. » Si les journalistes s'occupent d'un tigre, cela signifie que sa chute est proche... De plus, le Département de la propagande qui dépend du Parti s'est également adapté aux temps nouveaux. « S'il fallait résumer le changement dans la manière dont le Parti communiste contrôle les médias, on peut dire : plus subtil », affirme He Qinglian, ex-journaliste exilée aux Etats-Unis.
À l'heure de l'internet, le pouvoir ne peut plus étouffer les mauvaises nouvelles. Il prend donc souvent l'initiative pour imposer sa version des faits. « L'un des meilleurs exemples est la récente grève des taxis à Chongqing, souligne M. Bandurski. La couverture a été monopolisée par Chine Nouvelle. L'information n'a pas été tue, comme par le passé, il y a eu des articles ; mais ce que nous avons eu, c'était la version officielle. »
Par conséquent, M. Bandurski estime qu'il faut « faire attention à ne pas accorder trop d'importance à des signes apparents d'ouverture dans le traitement de l'information ». (afp)
© Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2008
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