Elle s'appelle la F3DM et doit débouler sur les routes chinoises avant la fin de l'année : construite par BYD Auto, la première hybride chinoise produite en masse et vendue à un prix abordable sera, à la différence de la Prius de Toyota, une voiture électrique dotée d'un petit moteur à essence d'appoint, et non l'inverse.
Son succès, s'il se confirme, pourrait bien changer la donne sur la planète automobile. Car BYD, qui signifie " Build your Dreams " (" construisez vos rêves "), n'est pas, à l'origine, un constructeur automobile, mais le premier fabricant mondial de batteries électriques pour téléphone portable. En 2003, la société a racheté un constructeur automobile du Shaanxi, Qinchuan Auto, l'a rebaptisé BYD Auto, et en a fait en cinq ans, à coups d'investissements considérables, l'une des marques les plus dynamiques de cette fin 2008 en Chine, où le marché est pourtant lui aussi en train de s'essouffler : sa F3 (modèle à essence) a dépassé cet automne les 10 000 unités vendues par mois, et un autre modèle, la F0, se révèle très populaire. BYD Auto prévoit de vendre près de 200 000 véhicules à essence en 2008, deux fois plus que l'an dernier. Ce qui le place certes encore loin des plus gros constructeurs chinois, mais est prometteur : Wang Chuanfu, son patron, n'a-t-il pas annoncé en 2007 qu'il ferait de BYD Auto le numéro un chinois en 2015 et... dans le monde en 2025 ? Une telle ambition pourrait être prise à la légère mais, en septembre, Warren Buffett, l'investisseur aux doigts en or, a acquis 10 % de BYD Auto pour 230 millions de dollars via l'un de ses fonds, MidAmerican Energy Holdings. Cet apport d'argent frais doit être consacré au développement de la voiture électrique.
L'ascension de BYD Auto, qui prévoit d'exporter un modèle 100 % électrique de berline (la E6) en Norvège et en Israël dès 2009, indique que la voiture électrique est l'une des portes d'entrée qui pourraient permettre aux constructeurs chinois de s'imposer dans le monde. Avec ses milliers de chercheurs et des usines toutes neuves à Shenzhen, BYD Auto est bien placé pour bénéficier des dernières avancées de la technologie des batteries. Surtout, le gouvernement chinois a annoncé sa volonté de profiter du considérable potentiel du marché chinois (moins de 50 voitures pour 1 000 habitants contre 740 aux Etats-Unis) pour favoriser l'émergence de la voiture électrique grâce à toutes sortes de mesures et de normes.
Déjà, fait unique au monde, la quasi-totalité des deux-roues qui circulent dans les grandes villes chinoises est électrique. Un spécialiste du véhicule électrique, Wan Gang, a été nommé ministre des sciences et des technologies, et est chargé de mettre en oeuvre un vaste plan d'équipement en véhicules électriques et en station de recharge d'ici à 2010. Ancien d'Audi, formé en Allemagne, Wang Dan fut président de l'université de Tongji à Shanghaï, l'un des pôles pour la recherche en véhicule électrique, avant d'être nommé ministre.
Mais, comme avant eux les Coréens et les Japonais, les constructeurs chinois sont de plus en plus tentés de sortir de leurs frontières, et pas seulement avec des voitures électriques.
Les constructeurs du monde entier sont déjà quasiment tous présents en Chine au travers de coentreprises (joint-ventures) avec des sociétés d'Etat, dont les " trois grands " (FAW, SAIC et Dongfeng). Ainsi, SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation) fabrique certains modèles de General Motors et de Volkswagen, tandis que PSA est marié à Dongfeng Motor. Mais en limitant la participation étrangère à 50 %, cette politique de co-entreprise a fait des constructeurs chinois des géants capables de se développer par eux-mêmes.
SAIC, n°1 des voitures particulières, a ainsi été le premier à se diversifier en rachetant l'anglais MG Rover et le coréen SsangYong. La Roewe 550, avatar chinois de la Rover de MG, vient ainsi de sortir de ses lignes de montage et sera produite à 150 000 exemplaires chaque année. D'abord pour le marché chinois, mais SAIC ne cache pas ses ambitions à l'export.
A terme, non seulement les plus grands constructeurs chinois devraient continuer à développer leurs propres modèles et à acquérir d'autres constructeurs étrangers et chinois, mais encore exporter de plus en plus sur le marché mondial. Paradoxalement, ce sont jusqu'à aujourd'hui les fabricants indépendants chinois (on en compte des dizaines) qui, moins bien placés face à la concurrence des entreprises d'Etat sur le marché chinois, ont cherché des débouchés sur les marchés extérieurs.
C'est le cas de Chery, première marque indépendante en 2007 et numéro 4 chinois, qui a exporté 120 000 véhicules en 2007 et a ouvert sa huitième usine en dehors de Chine, en Malaisie. Ces pionniers de l'export sont surtout présents sur les marchés émergents (Amérique du Sud, Russie et Asie). Ils tardent toutefois à percer sur les marchés américain et européen, en raison des normes de sécurité et de pollution qui y sont imposées. Crise oblige, ils risquent aussi de perdre l'avantage d'un prix inférieur à celui des modèles de leurs concurrents occidentaux, à l'heure où les invendus s'accumulent et où les concessionnaires cassent les prix.
Brice Pedroletti
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2 commentaires:
et oui c'est la vitesse des chinois
Exact, mais en général c'est le capitalisme qui a permis la commercialisation de ces voitures hybrides puisqu'il est rentable d'innover. Ça va être le cas pour l'écologie. Le jour où les assureurs en auront assez de payer les dégâts environnementaux, ils feront pression sur les industries afin qu'ils arrêtent de polluer... sauf qu'il faudra attendre un peu, hélas !
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