La France produit de moins en moins de truffes du Périgord. D'où les espoirs mis dans le clonage. Encore faut-il percer les mystères de la croissance de Tuber melanosporum.
La truffe noire, emblème de l'excellence gastronomique française, commencera-t-elle bientôt sa vie dans un tube à essai plutôt que sous les racines de vieux chênes ? Des chercheurs français projettent en effet de cloner des truffes du Périgord, ce champignon très parfumé que les connaisseurs appellent le "diamant noir" - un produit si rare que les plus beaux spécimens peuvent atteindre jusqu'à 1 000 euros le kilo.
Pour marquer le début de la saison, le département de la Corrèze, Delpeyrat, une entreprise se consacrant depuis le XIXe siècle à la conserve de foie gras et de produits du Sud-Ouest, et STEF-TFE, une société de transports frigorifiques, ont lancé au début du mois de décembre un projet sur trois ans qui va révolutionner l'industrie de la truffe. Il s'agit de percer les secrets de la croissance de la truffe noire - le sol, le climat ou les arbres -, dans l'espoir, si tout va bien, d'obtenir un produit plus cohérent et de relancer ainsi une industrie menacée.
On va donc mettre en culture dans des rangées de tubes à essai stériles des truffes clonées accolées à des pousses d'arbres jusqu'à ce que les deux éléments nouent la relation symbiotique qui semble indispensable au développement de la truffe - un processus dont on sait d'expérience qu'il peut prendre jusqu'à un an. Une fois la symbiose établie, l'ensemble sera replanté pour croître et prospérer naturellement.
Cette initiative a le soutien de Jacques Pebeyre, un écrivain et truffier octogénaire, mieux connu en France sous son surnom de "roi de la truffe" [et auteur d'un Grand Livre de la truffe, éd. Laffont, 1987]. Les gens prêts à se lancer dans la production du champignon se faisant de plus en plus rares, l'industrie est selon lui en péril. "Je ne suis pas contre le fait d'aider la nature, confie-t-il, mais il faudra voir si ces truffes (clonées) sont bonnes. En fin de compte, tout dépendra du résultat."
Si la France produisait 1 000 tonnes de truffes noires par an au début du XXe siècle, ce chiffre s'est effondré à 40 ou 50 tonnes aujourd'hui. La quasi-totalité de la production est consommée dans le pays, qui importe en outre des truffes beaucoup moins chères, de Chine. La raréfaction de la truffe relève du déclin de l'agriculture en France et du mystère des truffes, dont la plupart poussent en effet sous des arbres qui ont au moins 20 ans.
Hervé Covès, responsable de la filière fruits et légumes à la chambre d'agriculture de la Corrèze, reconnaît que l'idée de cloner des truffes peut faire peur, en particulier aux consommateurs. Le pays est en effet réputé pour son opposition viscérale à la "malbouffe". Le clonage est cependant une méthode qui est utilisée en agriculture depuis des temps très anciens et n'a, selon lui, rien à voir avec les manipulations génétiques. Sans de nouvelles méthodes de production, conclut-il, l'industrie française de la truffe sera morte d'ici la fin du siècle.
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