(Shanghaï, correspondant) - Mettre en examen un da heng (« magnat », en chinois) est toujours bon en période de débâcle économique. Surtout si c'est pour délit d'initié et que les indices des Bourses de Shanghaï et de Shenzhen ont perdu près de 65 % de leur valeur depuis le début de l'année.
Depuis fin novembre et l'arrestation de Huang Guangyu, le fondateur du leader de la distribution Gome, les internautes chinois, dont beaucoup sont des boursicoteurs déplumés, s'en donnent à coeur joie : « Les empereurs chinois ont tous les mains sales », réagit ainsi l'un d'entre eux après l'interpellation de l'entrepreneur de 39 ans, longtemps l'homme le plus riche du pays et aujourd'hui numéro deux au classement du magazine Forbes. « Je ne l'ai jamais aimé, il a toujours été arrogant », écrit un autre. « Il a été sacrifié sur l'autel de la politique », nuance toutefois un troisième internaute.
Monté de Shantou, dans le Guangdong, à Pékin à l'âge de 17 ans pour y écouler tout un bric-à-brac électronique qu'on ne trouvait alors pas dans la capitale, Huang Guangyu reprend un magasin de vêtements d'Etat appelé Guo Mei (« Le joli pays »). Il y brade des produits électroménagers négociés à bas prix et accroît très vite ses ventes.
L'ascension de Huang Guangyu est typique de cette Chine qui fête aujourd'hui ses trente ans d'« ouverture ». Les succès actuels sont souvent le fruit d'une collusion entre pouvoirs publics et intérêts privés.
Le dossier contre Huang Guangyu ne contiendrait pas moins de sept chefs d'accusation et implique une demi-douzaine de sociétés aux liens complexes. Le magazine d'investigation économique Caijing, qui a consacré sa dernière couverture à la disgrâce de l'entrepreneur, a fourni quelques éléments sur ses possibles faux pas.
« C'est comme quand vous arrêtez un conducteur pour un alcootest et qu'il s'avère être un fugitif », a déclaré à Caijing l'un des enquêteurs. Car Huang Guangyu avait senti le vent du boulet, en 2006, quand, en pleine période de nettoyage du système bancaire, il a été épinglé pour un prêt de 1,3 milliard de yuans (135 millions d'euros) qu'il aurait contracté avec son frère auprès de la Bank of China dans les premières années de Gome, mais jamais complètement remboursé.
A plusieurs reprises, il a même tenté de faire racheter par des proches, au rabais, le reste de sa dette, soit 400 millions de yuans, qui avait été récupéré par une structure de défaisance. La tactique, peu glorieuse pour l'homme le plus riche de Chine, échoue, mais l'enquête n'aura pas de suites.
Le magnat, soupçonne le magazine Caijing, s'est alors mis en tête de redorer son image auprès des autorités tout en accumulant des terrains pour des projets immobiliers : il se porte acquéreur de la société Centek, qui gère le parc high-tech de Zhongguancun à Pékin et dont la filiale de construction Cencons a remporté - ce qu'omettent de mentionner les médias - le marché du centre olympique de Wukesong. Huang Guangyu, qui doit éponger une dette importante, bénéficie alors de la multiplication par six du prix de l'action de la société, ce qui alerte les autorités de régulation...
© 2008 SA Le Monde. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire