PLUS ILS SONT vieux, plus ils plaisent. La semaine dernière, Martell a invité ses 300 principaux clients chinois à dîner dans la galerie des batailles du château de Versailles. Objectif : présenter le dernier cognac de la maison, L'Or de Jean Martell, qui sera commercialisé à Shanghaï pour le Nouvel An chinois. « Il s'agit d'un assemblage de 400 eaux-de-vie différentes, dont la plus vieille date de 1871 », détaille Benoît Fil, le maître de chais. Les flacons en cristal de Sèvres sont remplis à la main, au rythme de 120 par jour, expédiés en avion... et vendus 2 200 euros pièce. Martell s'attaque ainsi aux élixirs d'exception de ses concurrents, le Louis XIII de Rémy Martin et le Richard d'Hennessy.
Martell s'adapte surtout au retournement du marché. Après dix années de hausse ininterrompue, les ventes de cognac vont reculer en 2008. Depuis le début de l'année, les expéditions ont chuté de près de 10 %, selon le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). Le chiffre d'affaires n'a, lui, reculé que de 3,5 %. En fait, les cognacs d'entrée de gamme composés d'eaux-de-vie vieillies moins de quatre ans et qui représentent la moitié du marché, reculent de près de 20 %. À l'opposé, les cognacs de prestige (vieillis 6 ans minimum), qui constituent 8,5 % des volumes, progressent de plus de 10 %. Ces changements s'accompagnent d'une révolution dans la répartition géographique des ventes. « Désormais, plus on va vers l'est, mieux ça marche », résume Lionel Breton, PDG de Martell. Aux États-Unis, le premier marché, les ventes s'effondrent d'un quart, alors qu'elles s'envolent en Russie (+ 33 %) et plus encore en Chine (+ 42 %). Là-bas, les nouveaux riches privilégient le haut de gamme.
Baisse de la demande
La baisse de la demande aux États-Unis, la crise financière et la frilosité des distributeurs, tentés de réduire leurs stocks faute de financement, explique en partie ce phénomène. Mais certaines maisons y ont également contribué. Anticipant cette évolution, Martell a délibérément produit moins de cognac d'entrée de gamme. « Nous laissons vieillir nos eaux-de-vie plus longtemps afin d'assembler des cognacs beaucoup plus haut de gamme, et beaucoup plus chers », explique Lionel Breton. La maison a été récompensée de cette stratégie, en devenant leader sur le segment haut de gamme, devant Rémy Martin, grâce au succès de son Cordon Bleu et de Martell XO.
L'évolution du marché pourrait en revanche se révéler plus problématique pour certaines maisons dépendant beaucoup du marché américain et des versions d'entrée de gamme. En attendant, les vignerons charentais continuent de vendre sans soucis leurs raisins. Mieux, certains bouilleurs de cru et négociants, habitués à se constituer une épargne en conservant leurs eaux-de-vie, peuvent empocher de petits pactoles. L'an passé, Martell a racheté à prix d'or plusieurs millions d'hectolitres de vieilles liqueurs. Quant aux fabricants de tonneaux, ils n'ont jamais été aussi prospères.
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