Le paradoxe est frappant : c'est au moment où elle accède officiellement à la place convoitée de troisième économie mondiale que la Chine s'inquiète pour elle-même et inquiète. Il y a encore quelques mois, la révision à la hausse des chiffres de la croissance 2007 par les autorités de Pékin, qui permet à l'empire du Milieu de doubler l'Allemagne et de se rapprocher du Japon, aurait été accueillie avec le scepticisme de rigueur sur la véracité des statistiques. Mais l'événement lui-même aurait d'abord été lu comme la confirmation de la poussée inexorable de la puissance chinoise.
Aujourd'hui, ce diagnostic reste pour l'essentiel valable. « Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera », écrivait Alain Peyrefitte en 1973. Elle s'est « éveillée » depuis longtemps : non contente d'être l'atelier du monde - elle est le plus grand producteur de textile, de jouets, d'électroménager et de produits high-tech -, elle finance les déficits américains. Et les JO de l'été dernier ont montré à la planète entière ses ambitions, y compris politiques.
La crise mondiale actuelle souligne pourtant aussi les fragilités d'un modèle qui, s'il a sorti 200 millions de personnes de la pauvreté, n'avance que sur une jambe : celle de la croissance à deux chiffres. Le ralentissement de cette dernière pour cause de crise mondiale conduit des milliers d'usines à fermer leurs portes, notamment dans le sud-est du pays. Les millions de paysans qui affluent dans les villes ne trouvent plus de travail. Du coup, l'absence de filets sociaux se fait cruellement sentir et les contestations se multiplient, ce qui inquiète les autorités communistes. Du coup aussi, tout ce qui fait trembler ce géant qu'est devenue la Chine risque également de faire « trembler » le monde.
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