Agroalimentaire
Depuis le début de la semaine, le géant français de l'agroalimentaire et Hangzhou Wahaha Group s'affrontent devant l'Institut d'arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm. Ils s'accusent mutuellement d'avoir violé leurs accords de coentreprise. Cette confrontation ne devrait pas permettre de régler leur différend, qui pèse sur le développement de Danone en Chine.
Danone espère pouvoir prochainement mettre un terme au dramatique conflit commercial qui l'oppose depuis plus de deux ans à Hangzhou Wahaha Group, son partenaire historique en Chine. Les principaux acteurs du dossier sont, depuis le début de la semaine, en Suède, où ils plaident, chacun, à huis clos, leur cause devant l'Institut d'arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm. En 1996, lors de leur association au sein de la coentreprise de fabrication de boissons Danone-Wahaha, détenue à 51 % par Danone et à 49 % par Hangzhou Wahaha Group, les deux sociétés avaient désigné cette juridiction indépendante pour statuer sur un éventuel litige. Elles démarraient alors une coopération fructueuse qui allait leur permettre de s'imposer ensemble au début des années 2000 comme l'un des acteurs clefs de l'agroalimentaire en Chine. Treize ans plus tard, les deux associés se déchirent dans plus de 35 procès, lancés sur... 4 continents et ne parviennent pas à s'accorder sur les termes de leur divorce.
A Stockholm, la cour d'arbitrage, qui a été sollicitée par Danone dès mai 2007, va entendre pendant plusieurs semaines les arguments des cadres français, qui accusent le groupe chinois de n'avoir pas respecté des clauses de non-concurrence spécifiées dans leur contrat initial. Hangzhou Wahaha Group, avancent les défenseurs de la société de Frank Riboud, aurait monté, parallèlement aux 39 structures légales de la coentreprise, un réseau de plus de 60 usines et sociétés de distribution « illégitimes » produisant et vendant, elles aussi, des boissons sous la marque Wahaha. Danone, qui affirme que ces opérations parallèles généreraient chaque mois un manque à gagner de 25 millions de dollars, espère obtenir plusieurs centaines de millions de dollars de dommages et intérêts de son ancien partenaire.
Démarches à l'étranger
Rejetant ces accusations, Hangzhou Wahaha Group assure que Danone avait validé le montage de ce circuit parallèle, car il ne voulait pas détenir de structures dans des zones géographiques où le marché semblait limité. Le groupe fondé et dirigé par Zong Qinghou affirme, encore, être la véritable victime d'une concurrence déloyale et met en avant les partenariats liant Danone à d'autres producteurs de boissons chinois. A l'appui de sa démonstration, Hangzhou Wahaha Group agite la dizaine de jugements déjà rendus par des juridictions chinoises ces derniers mois. Pour la plupart, ces derniers ont donné raison à la société chinoise.
S'il n'a jamais osé remettre en question la partialité des juges chinois, souvent liés aux pouvoirs politiques et économiques locaux, Danone espère faire valoir ses droits devant des cours étrangères plus impartiales. En plus de la démarche en Suède, le géant de l'agroalimentaire attend beaucoup de deux procédures lancées dans les îles Vierges britanniques et aux Etats-Unis. Dans le paradis fiscal, Danone avait obtenu en novembre 2007 le gel des actifs des holdings financiers contrôlant le réseau d'entreprises qualifiées d'« illégitimes » en Chine. Fin décembre, la Haute Cour des îles Vierges britanniques a toutefois rejeté les mesures provisoires de gel et de mise sous séquestre des actifs. Une cour d'appel examine maintenant l'affaire. Dans l'attente de sa décision, Danone guette l'évolution du dossier à Los Angeles, où il poursuit les représentants légaux de certains des holdings financiers de Hangzhou Wahaha Group, et notamment la femme et la fille de Zong Qing- hou. Des auditions clefs sont programmées début février.
Très agacés par ces démarches à l'étranger, Hangzhou Wahaha Group ne croit pas à une issue judiciaire du conflit. « La sentence de Stockholm n'est qu'une étape du différend. Ce n'est pas décisif », prévient déjà Qian Weiqing, un associé du cabinet d'avocats Dacheng, qui coordonne les actions judiciaires de Hangzhou Wahaha Group. « Si nous sortons gagnants, cela nous donnera du poids dans la négociation financière. C'est, aujourd'hui, la seule question valable : combien Danone veut pour sortir de la société commune ? », explique-t-il.
Espérant une sortie honorable de sa mésaventure chinoise, Danone réclamerait, selon les avocats de Zong Qinghou, 17,6 milliards de yuans (1,6 milliard d'euros) pour vendre ses 51 % dans la coentreprise. « Une demande ridicule », rétorquent les conseillers de Hangzhou Wahaha Group. « Si la sentence arbitrale est en notre défaveur. Elle sera alors en conflit avec des jugements locaux. Je doute qu'elle soit jamais appliquée en Chine », prévient, sans sourciller, l'avocat, qui évoque alors l'ultime recours à une liquidation pure et simple de la coentreprise franco-chinoise, qui a longtemps assuré plus de 80 % des revenus chinois de Danone.
YANN ROUSSEAU DE NOTRE CORRESPONDANT À PÉKIN.
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