Palestine, Irak et Iran, Pakistan, trois foyers incandescents suscitent la crainte et la volonté d'agir, de la communauté internationale en général, de la nouvelle Administration américaine tout particulièrement. Or on se rend bien compte également que tous les problèmes ne seront pas résolus de front, et qu'il faudra bien, à la fin, c'est-à-dire tout de suite, choisir un ordre pour les résoudre, ou tenter de le faire, les uns après les autres.
Ici une certitude s'impose : la priorité absolue de la question iranienne. Nous devons en effet prendre en compte, prioritairement, l'ampleur de la crise mondiale. La chute de la production, les effets déflationnistes et la contraction du crédit sont encore loin d'être dépassés. Ce qui permet encore de les contenir partiellement, c'est tout bonnement la présence de la création de monnaie à l'échelle mondiale que permet l'alignement de toutes les grandes économies avancées de la planète sur des taux d'intérêt de base proches de zéro.
L'absence d'inflation à l'échelle mondiale, c'est-à-dire la chute du pétrole, permet ainsi pour l'instant de refinancer par les États le crédit et la production, en permettant en particulier un endettement record. Supposons maintenant ce que les économistes nomment pudiquement un accident « exogène », c'est-à-dire non économique, tel que l'engorgement du golfe Persique par des mines iraniennes, le bombardement des zones pétrolières arabes par des missiles iraniens ou le sabotage des installations pétrolières irakiennes qui fonctionnent à nouveau, dans le calme relatif que permet pour l'instant le succès politico-militaire américain à Bagdad.
Alors le baril de brut remontera instantanément à 80-90 dollars, la spéculation l'entraînant rapidement vers 120 dollars, malgré une consommation morbide qui s'est beaucoup ralentie. Le prix d'un conflit armé avec l'Iran qui débuterait par un bombardement israélien des principaux centres nucléaires de Téhéran est exorbitant. Ses conséquences seraient insupportables à court terme pour les États-Unis et le reste de la planète.
Mais la priorité donnée à l'Iran ne suffira pas à endiguer l'ambition nucléaire des mollahs, laquelle est d'ailleurs celle de tout un peuple avide de conquérir un statut mondial. Il serait d'ailleurs illusoire sans des alliances étroites avec la Turquie et la Syrie, des relations normales avec l'Arabie saoudite. Mais cela l'élite iranienne ne le comprend pas encore. C'est incontestable : à la fin de la Révolution culturelle, au début des années 1970, la Chine qui retrouvait la voie de la raison, devait, par des concessions, se réinstaller progressivement dans le système des relations internationales.
Il se trouve que Lin Biao qui prônait d'atteindre ce but par la réconciliation avec Moscou n'avait pourtant pas grand-chose à exhiber pour étayer sa conviction d'ancien protégé personnel de Staline. Zhou Enlai au contraire, grâce à son dialogue personnel avec un génie comme Henry Kissinger apportait à Mao une porte de sortie honorable qui lui sauvait la face : le dialogue rétabli avec une Amérique, blessée par sa défaite au Vietnam, qui semblait tout à la fois plus vulnérable et plus demandeuse que la faussement triomphante Union soviétique brejnévienne.
Il y a de frappantes similitudes entre la Chine de 1970-1971 et l'Iran de 2009. Ahmadinejad et ses alliés chiites irakiens (Moqtada al-Sadr) et libanais (l'aile terroriste du Hezbollah) occupent à l'évidence la place des maoïstes durs attachés à la Révolution culturelle, qui deviendront la bande des quatre un peu plus tard. Rafsandjani, le nouvel espoir des conservateurs modérés de Larijani et le maire de Téhéran, leader des officiers pragmatiques des pasdarans de Qalibaf, sont en rivalité pour incarner Zhou Enlai, cela ne fait plus aucun doute. Mais deux importantes différences se font jour : en Chine, les pragmatiques sociaux à la Deng Xiaoping étaient l'esprit de tout un peuple ; en Iran les progressistes de Khatami ont déjà donné de 1997 à 2005, et, à la différence de Deng, ont échoué pour l'essentiel à appliquer leur programme de réforme. Sont-ils arrivés trop tôt ? Seconde différence : les Soviétiques de l'ère Brejnev étaient des épouvantails à moineaux, les Russes de l'époque Poutine, au contraire, courtisent habilement les ayatollahs de Téhéran. L'idée d'un « Grand Arrière » chinois, et plus encore russe, est constamment invoquée par les intransigeants iraniens pour tenir tête à l'Occident. D'une certaine manière, Lin Biao aura ici gagné, à Téhéran en 2009.
Or Obama ne peut ni faire la guerre à l'Iran, ni le laisser faire. Faute de quoi il se ferait bafouer d'emblée comme l'a été Carter voici vingt ans. Les clefs de sa stratégie se trouvent dès lors d'abord à Moscou, ensuite à Jérusalem. À Moscou il lui faut conforter le climat de détente qu'il a su créer d'emblée et aider tant que faire se peut la Russie à surmonter sa crise économique profonde. À Jérusalem, il lui faut trouver des mesures de déblocage immédiates et ponctuelles de la situation palestinienne avec Nétanyahou en échange d'un accord définitif pour qu'Israël n'entreprenne rien en Iran ou dans sa périphérie. La négociation finale avec les Palestiniens se déroulera d'autant mieux que l'Iran aura été apaisé - je n'ai pas peur du mot - et l'Iran chiite conforté. Alors la voie sera ouverte vers le Pakistan incertain.
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