La vente aux enchères, du lundi 23 au mercredi 25 février, à Paris, de 732 oeuvres d'art de la collection Yves Saint Laurent-Pierre Bergé, a provoqué une polémique inattendue entre la France et la Chine. Deux bronzes du XVIIIe siècle, volés par les troupes franco-britanniques durant le sac du Palais d'été de Pékin, en 1860, figurent dans la liste des objets proposés par Christie's (Le Monde du 22 janvier). Il s'agit d'une tête de rat et une de lapin, évaluées entre 8 et 10 millions d'euros.
Fort du soutien d'une position de principe de leur gouvernement, des avocats chinois ont décidé d'utiliser toutes les possibilités juridiques pour empêcher cette vente, prévue le 25 février, qui fait vibrer la corde patriotique de la Chine, toujours prompte à rappeler les " humiliations " dont se sont rendues coupables les puissances occidentales à l'époque des guerres de l'opium.
L'avocat Liu Yang, qui a pris la tête de la cabale, estime que " le sac du Palais d'été est une plaie qui n'a jamais été refermée ". La porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Jiang Yu, a déclaré que " le droit de propriété de la Chine sur ces objets ne peut pas être remis en cause, ils doivent revenir en Chine : mettre aux enchères des pièces pillées en temps de guerre non seulement blesse les sentiments du peuple chinois mais porte atteinte à ses droits culturels, tout en violant les conventions internationales. "
Les relations franco-chinoises, mises à mal par les prises de position de Nicolas Sarkozy à l'égard de la question tibétaine et sa récente rencontre avec le dalaï-lama, n'avaient pas besoin de ce nouvel épisode, fût-il culturel. Pour l'instant, les avocats sont soutenus par le Fonds du patrimoine national de Chine, organisme non gouvernemental. Mais son directeur adjoint, Niu Xiangfeng, pourrait envisager une solution diplomatique : " ces objets culturels doivent revenir en Chine et cela peut se produire grâce à des discussions et à une coopération ", a-t-il estimé.
" TOUT EST LÉGAL "
Contrairement aux affirmations de la porte-parole de la diplomatie chinoise et des assertions de l'avocat Liu - qui soutient que cette vente est en violation avec une convention des nations signée en 1995 -, l'offensive chinoise pourrait bien ne pas aboutir : Christie's affirme que " tout est légal ", le droit international n'étant pas rétroactif pour des biens volés et pillés il y a aussi longtemps. Selon Wang Yunxia, professeur à la faculté de droit de l'Université du peuple de Pékin, qui " soutient le procès en tant que Chinoise " mais avoue y être " opposée en tant que juriste ", il sera " difficile de se servir de conventions signées il y a plusieurs dizaines d'années entre Paris et Pékin à propos de la récupération des reliques volées pendant les guerres pour gagner le procès ".
Le référé demandé par les avocats chinois pour bloquer la vente devait avoir lieu, lundi 23, à la 1re chambre du tribunal de grande instance de Paris.
Bruno Philip (Pékin, correspondant)
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