jeudi 19 février 2009

Des résistances françaises inégales à la pression chinoise - Marie-Christine Corbier

Les Echos, no. 20366 - International, mercredi, 18 février 2009, p. 7

Tantôt « véritable souci », tantôt « complexe », la concurrence chinoise en Afrique n'affecte pas tous les intérêts français de la même manière.

Quelques entreprises tirent un bilan général « globalement positif » des investissements chinois.

« Lorsque les Européens construisent une route, ils s'arrêtent au bout de deux mètres pour nous demander ce qu'on fait contre la corruption et pour les droits de l'homme, alors que les Chinois se contentent de construire la route », entend-on souvent en Afrique. Pour Roland Marchal, chargé de recherches au CNRS, cette réflexion, « très ancrée dans les mentalités africaines, nuit au rayonnement des entreprises occidentales » sur le continent. Le problème de cette concurrence chinoise, c'est qu'elle « modifie les règles du jeu », déplore surtout Patrick Lucas, président du Comité Afrique du Medef International. « Les entreprises françaises ne sont pas à armes égales avec leurs concurrentes chinoises, qui bénéficient de l'appui de l'Etat, explique-t-il. Dans le BTP, c'est un véritable souci. » Certaines entreprises renoncent même parfois à répondre aux appels d'offres. « Quand vous avez six candidats chinois, vous n'avez aucune chance, ce n'est donc pas la peine de perdre votre temps », reconnaît Roger Fiszelson, délégué général de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). Se défendant de toute « attitude antichinoise », il réclame « des conditions de concurrence loyales et transparentes ». Patrick Lucas, lui, appelle le gouvernement français à l'aide « pour les secteurs du BTP et du bois, qui ont été les premiers touchés ».

Image négative du continent

Toutes les entreprises françaises ne sont cependant pas logées à la même enseigne. La concurrence est « limitée à certains secteurs », affirme Roland Marchal, qui évoque une expertise chinoise moindre dans les domaines bancaire ou minier, par exemple. Certaines entreprises tirent même un bilan général « globalement positif » des investissements chinois. Ainsi du groupe Bolloré : les Chinois n'empiètent pas pour l'instant sur l'activité logistique de l'entreprise. Dominique Lafont, le directeur général Afrique, se félicite même : « L'arrivée chinoise a redoré l'image négative du continent. » Autre avantage, selon lui : les travaux d'infrastructures. « Si les Chinois réhabilitent les chemins de fer de Benguela en Angola, par exemple, cela nous servira de nouvelle voie de sortie pour la production de cuivre. » Dans le secteur pétrolier, la concurrence chinoise est « complexe », explique-t-on chez Total. Mais rien à voir avec le secteur du BTP - l'Afrique est la plus forte zone de croissance du groupe.

Concurrentes sur certains projets

« Les Chinois sont nos concurrents sur certains projets, nos partenaires sur d'autres - comme sur le futur projet AKPO au Nigeria -, voire nos prestataires dans le domaine sismique, comme en Mauritanie », détaille Jean-Jacques Mosconi, directeur de la stratégie de Total. De quoi raviver l'espoir de ceux qui croient à un avenir français en Afrique. « On a l'impression d'un rouleau compresseur chinois qui exclurait les Européens. Mais ce n'est pas parce que les Japonais se sont mis à construire des voitures et des machines à laver que l'Occident a perdu toute maîtrise technologique », relativise, optimiste, Roland Marchal.

MARIE-CHRISTINE CORBIER

PHOTO - Charles Pasqua, le 6 octobre 2008 - Angolagate / REUTERS

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