mercredi 4 février 2009

La Chine doit contribuer à la résolution de la crise - Edward Hadas

Le Monde - Economie, mercredi, 4 février 2009, p. 14

Le point de vue de l'agence économique et financière Breakingviews.com

Le premier ministre chinois, Wen Jiabao, a récemment déclaré au Financial Times que rendre celui qui prête à tout va responsable des déboires de celui qui s'endette au-delà du raisonnable est " une façon bien surprenante de juger de la moralité des uns et des autres ". A ses yeux, la Chine est au contraire un modèle de vertu. Or tant que cette logique prévaudra, la situation économique mondiale n'a que peu de chance d'évoluer favorablement.

Par ces propos, M. Wen répondait à ceux qui considèrent que la Chine est en partie responsable de la crise financière. Elle aurait trop souvent souscrit à des emprunts d'Etat américains, en mobilisant les énormes revenus de son excédent commercial. Celui-ci a atteint 6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2008 et a permis à la Chine d'accumuler 2 000 milliards de dollars (1,5 milliard d'euros) [NDLR : 1 500 milliards] de réserves en devises.

Le nouveau secrétaire au Trésor américain, Tim Geithner, est de ceux qui montrent la Chine du doigt. Selon eux, elle a favorisé l'emballement du crédit à l'origine du désastre actuel, et il faut la sanctionner pour avoir prêté sans discernement.

M. Wen n'a pas du tout la même conception du bien et du mal. Dans l'entrevue accordée au Financial Times, il compare les gros émetteurs d'emprunt à Zhu Ba Jie, l'un des personnages du roman chinois La Pérégrination vers l'ouest. Mi-homme, mi-cochon, ce dieu déchu est célèbre pour sa gloutonnerie et son obstination à ignorer les bons conseils.

D'un point de vue purement chinois, il est difficile de contredire M. Wen. La faiblesse entretenue de la monnaie nationale a permis de créer des centaines de millions d'emplois, de faire progresser le niveau de qualification des travailleurs et de quasiment éradiquer la pauvreté. Pékin a même pu laisser sa devise, le Renminbi, s'apprécier de 20 % en trois ans. Il n'a interrompu cette politique de réévaluation régulière qu'en 2008, lorsque le séisme financier a frappé.

Or cette stratégie égocentrique constitue un obstacle à la résolution de la crise. Quels que soient les torts des uns et des autres, tout le monde se trouve maintenant sur le même bateau. La Chine a les moyens de sauver ce navire si elle accepte de réduire son excédent commercial, de ne plus déverser des quantités massives de dollars sur les marchés et de renoncer à soutenir son taux de croissance coûte que coûte. A terme, de tels engagements tourneraient à son avantage.

Il est possible de convaincre les peuples et les nations de sacrifier leurs intérêts immédiats pour le bien de tous. C'est vrai, la prospérité économique et la vitalité du commerce international dépendent de la bonne volonté de chacun à se montrer à la fois solidaire dans l'adversité et raisonnablement gourmand en période d'abondance. M. Wen et ses homologues de par le monde doivent absolument garder à l'esprit que dans la situation présente, l'intérêt général est prioritaire.

Edward Hadas

(Traduction de Christine Lahuec)

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