Wen Jiabao, le Premier ministre chinois, a détaillé, lors du Forum de Davos en Suisse, son plan pour contrer la débâcle économique mondiale au moyen de dépenses et de prêts publics. Il a plus ou moins garanti que la croissance annuelle de la Chine se maintiendrait au-dessus de 8 %. Mais le gouvernement chinois a-t-il vraiment les moyens de maintenir son économie à flot ? Ce n'est pas certain.
Les exportations chinoises ont été frappées de plein fouet par l'aggravation de la récession aux Etats-Unis. Conséquence, certaines zones côtières de la Chine, autrefois florissantes, ressemblent aujourd'hui à des villes fantômes et des dizaines de milliers de travailleurs sont repartis dans leur village. A Pékin, le quartier coréen, qui abritait quelque 250.000 habitants - principalement des travailleurs (et leurs familles) rémunérés par des sociétés coréennes produisant en Chine des biens pour l'exportation -, a vu près de la moitié des familles retourner en Corée du Sud.
Avec 2.000 milliards de dollars de réserves de change, la Chine a largement les moyens de financer un accroissement massif des dépenses gouvernementales et de prêter en dernier recours aux banques.
Mais il y a un hic. Même si elle rencontre un succès à court terme, la transition substantielle vers une augmentation des dépenses publiques se traduira tôt ou tard par une baisse du taux de croissance.
En d'autres termes, il n'est pas évident que les projets d'infrastructures mineures vaillent la peine d'être construits, étant donné que la Chine investit déjà plus de 45 % de ses revenus, dont une grande partie dans les infrastructures. Il est vrai qu'une partie des incitations fiscales chinoises prévoit d'accorder des prêts au secteur privé par l'entremise du secteur bancaire, étroitement contrôlé.
Mais comment savoir si ces nouveaux prêts iront aux projets qui en valent la peine ou, plus vraisemblablement, à des emprunteurs ayant les bonnes relations politiques ?
En fait, le succès économique de la Chine repose sur le maintien d'un équilibre entre le gouvernement et un secteur privé en expansion. Renforcer fortement la présence déjà excessive du gouvernement dans l'économie détruira cet équilibre délicat.
Il serait préférable que la Chine trouve le moyen de remplacer la consommation privée américaine par une consommation intérieure, mais son système économique ne semble pas capable d'une transition rapide dans ce sens. Si les dépenses publiques doivent être le vecteur de la reprise, il vaudrait mieux alors que le gouvernement investisse dans des écoles et des hôpitaux plutôt que dans des « ponts vers nulle part ». Malheureusement, les responsables locaux chinois doivent exceller dans la « compétition de la croissance » du pays pour être promus. Les écoles et les hôpitaux ne génèrent pas le genre de revenu fiscal rapide qui permet de supplanter ses rivaux politiques.
Avant même le début de la récession mondiale, il y avait plusieurs bonnes raisons de douter de la durabilité du modèle de croissance chinois. La dégradation de l'environnement est évidente. Et les économistes ont calculé que si la Chine continue à afficher un taux de croissance aussi rapide, elle occupera bientôt une proportion telle de l'économie mondiale qu'elle ne pourra pas maintenir son niveau d'exportations actuel. Une transition vers le développement de la consommation intérieure était de toute façon inévitable - la récession mondiale n'a fait que mettre le problème en lumière quelques années plus tôt.
Paradoxalement, les Etats-Unis sont confrontés à des défis similaires. Pendant des années, ils ont profité d'une forte croissance en repoussant à plus tard l'examen de leurs problèmes (environnement, infrastructures, assurance-maladie). Même sans la crise financière, s'attaquer à la résolution de ces questions aurait ralenti la croissance américaine.
Ce n'est pas pour autant que les Etats-Unis et la Chine sont dans la même situation. L'une des grandes difficultés futures sera de trouver le moyen d'aligner l'épargne de ces deux pays, compte tenu des graves déséquilibres commerciaux qui, de l'avis de certains, sont à l'origine de la crise financière.
D'une manière ou d'une autre, la crise financière devrait nettement ralentir la croissance à moyen terme de la Chine. Mais ses dirigeants parviendront-ils à stabiliser la situation à court terme ? Un plan de relance privilégiant la consommation intérieure, la santé et l'éducation aurait été plus convaincant que des mesures basées sur la même stratégie de croissance que celle des trente dernières années.
Note(s) :
Cet article est publié en collaborationavec Project Syndicate.
Kenneth Rogoff, ancien économiste en chef du FMI, est professeur d'économie et de politiques publiques à l'université de Harvard.
© 2009 Les Echos. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire