jeudi 19 février 2009

Pékin et Moscou scellent un accord pétrolier de 25 milliards de dollars - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20367 - International, jeudi, 19 février 2009, p. 9

La Russie a accepté de livrer, pendant au moins vingt ans, 301.000 barils de brut par jour à la Chine. Une banque publique chinoise va en échange débloquer des crédits pour aider les groupes russes Rosneft et Transneft.

Les groupes pétroliers publics russes ont accepté un prêt à un taux entre 5 et 5,5 % en échange de livraisons évaluées à 160 milliards de dollars.

A quelques jours seulement de l'expiration du délai des négociations, Moscou et Pékin ont réussi à boucler, mardi soir, un accord énergétique crucial, prévoyant la livraison annuelle à la Chine de 15 millions de tonnes de brut russe (301.000 barils par jour) pendant vingt ans en échange de prêts chinois de 25 milliards de dollars. « Les livraisons se feront à des conditions de financement qui conviennent aux deux parties », a soufflé, le vice-Premier ministre russe Igor Setchine à l'issue de sa rencontre avec Wang Qishan, son homologue chinois.

Multiplié les contacts

Les équipes des deux hommes avaient multiplié les contacts ces derniers mois pour tenter de valider dans les temps le volet financier de l'accord évoqué par les deux capitales depuis près de dix ans. Ayant profité de l'envol du prix du baril, la Russie, deuxième plus gros exportateur mondial de brut derrière l'Arabie saoudite, n'avait, pendant longtemps, pas montré grand entrain à débloquer les pourparlers avec son voisin chinois. La Chine cherchait, elle, à renforcer son accès aux réserves russes - elle ne profite pour l'instant que de coûteuses livraisons notamment effectuées par train - pour casser sa dépendance au pétrole du Moyen-Orient (Arabie saoudite et Iran) et d'Afrique (Angola, Soudan). Jusqu'à l'automne 2008, les tarifs et les conditions de crédits offerts par les Chinois étaient, par ailleurs, jugés peu attractifs à Moscou. Depuis, la crise économique et la chute des cours du pétrole ont bouleversé la donne. Très endettés et moins aidés par un Etat confronté à une grave récession, les groupes pétroliers publics russes, qui ne trouvent plus de crédits pour financer le développement de leurs nouveaux projets, ont été contraints de se tourner vers leurs clients potentiels chinois qui peuvent, eux, accéder aux gigantesques réserves de liquidités du pays. Mardi, la partie russe a ainsi accepté un prêt sur vingt ans à un taux évoluant, selon Reuters, entre 5 et 5,5 % en échange de livraisons évaluées au total à 160 milliards de dollars, sur une estimation moyenne du prix du baril fixée à 72,76 dollars.

Projets énergétiques

Les 25 milliards de dollars de prêts débloqués par China Development Bank, la banque d'Etat finançant la plupart des grands projets énergétiques du pays à l'étranger, vont être immédiatement répartis entre les deux géants russes du secteur. Rosneft, le plus grand groupe pétrolier du pays, devrait investir sa part - 15 milliards de dollars - dans ses nouveaux champs sibériens et dans des raffineries. Avec ses crédits chinois de 10 milliards de dollars, Transneft, un opérateur de pipelines, devrait lui accélérer la construction de l'oléoduc géant reliant la Sibérie au Pacifique et ajouter un tronçon de 67 kilomètres entre Skovorodino, dans la région russe de l'Amour, et les installations chinoises de Daqing, où China National Petroleum Company (CNPC) attend les nouvelles livraisons russes d'ici à 2010.

A terme, ce brut sibérien livré par pipeline pourrait couvrir près de 5 % des besoins totaux de la Chine qui, malgré le ralentissement économique, continue de multiplier, partout dans le monde, les prises de contrôle de ressources naturelles pour garantir l'approvisionnement de sa future croissance.

YANN ROUSSEAU DE NOTRE CORRESPONDANT À PÉKIN.

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