L'Amérique des années 30 voulut trouver les responsables de la catastrophe économique. Des noms de personnes, de métiers, de religions, de nations circulaient dans les esprits. On créa donc une commission indépendante chargée de déterminer les responsabilités. Après des années de travail, la commission s'épuisa d'elle-même: impossible de répondre précisément à la question. Le monde politique s'égara et trouva entre-temps dans le protectionnisme une réponse à la crise. On croyait ce mot oublié, mais aujourd'hui il n'est plus tabou; il revit déguisé. D'abord, plutôt que d'affronter ses propres errements passés, on a préféré trouver le coupable: «l'Amérique». Dernièrement, à Davos, la Russie ou la Chine l'ont fait sans honte.
Pourtant, ce sont bien elles, en exportant plus de pétrole ou de jouets chinois, qui ont le plus profité ces dernières années de l'excès de consommation américain. «I loved America»... Pour l'Europe, c'est le manque de régulation américain qui est à l'origine de l'orgie financière. Mais oublie-t-elle que sa finance a largement fauté également? Où était donc l'avantage de la régulation européenne? Oublie-t-elle aussi qu'elle ne dispose pas d'un plan de sauvetage européen en cas de faillite d'une grande banque? L'Allemagne oublie-t-elle que ses exportations vers la Chine ne progressaient que parce que la demande chinoise était stimulée par l'Amérique? «I loved America»...
Puis, face aux pertes économiques et aux enjeux sociaux, les Etats sont intervenus pour sauver et protéger des industries en difficulté, surtout les nationales et les pourvoyeuses d'emploi. Mais pour protéger quoi? Et contre qui? Forcément contre la concurrence étrangère, mais aussi locale. Sauver GM pénalise Peugeot. Aider Peugeot entraîne l'Allemagne à aider BMW. Aider les banques en Irlande pousse l'Angleterre à aider les siennes. Aider UBS biaise la concurrence locale... La roue protectrice doit tourner... A chaque aide doit répondre une nouvelle aide. Du protectionnisme déguisé.
Enfin tout cela creusant les budgets des Etats, une hausse de la fiscalité est déjà programmée. J'entends déjà d'ailleurs la taxe Tobin revenir: «Punir les banques, freiner les flux de capitaux et la spéculation»... freiner?... ah, comme les droits de douane ont freiné le commerce dans les années 30? Non merci, Monsieur Emmanuel Todd, réintégrer les marchés dans les règles des nations, ce n'est pas une chance, c'est une calamité. Et, non Monsieur Attali, couvrir les marchés par un gouvernement mondial avec une monnaie unique n'est pas possible. Mais y a-t-il encore une place entre Emmanuel et Jacques?
Michel Juvet, Bordier et Cie
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