La crise financière produit les mêmes effets que les miroirs déformants des fêtes foraines. Elle donne aux économies nationales une allure inhabituelle. Dans le cas de la Chine, elle rend les choses... on ne peut plus normales.
Les statistiques du commerce qui ont été publiées, mercredi 11 mars, montrent qu'en février, l'excédent commercial chinois s'est amenuisé pour s'établir à 4,8 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros). Il n'avait pas été aussi faible depuis trois ans. Cette chute soudaine est impressionnante, mais en ce moment, toute économie basée sur l'exportation de biens bon marché ne peut qu'éprouver des difficultés.
L'idée que l'excédent de sa balance courante protège la Chine est séduisante. Cela faisait longtemps que les Etats-Unis reprochaient à leur partenaire commercial d'entretenir la faiblesse de sa monnaie pour stimuler ses exportations artificiellement.
Si le butin des exportations venait à disparaître, il ne serait plus nécessaire d'empêcher la monnaie chinoise de s'apprécier pour préserver le commerce. En régime de change flottant, le yuan pourrait varier en douceur plutôt que par à-coups violents.
Cette apparence de normalité n'était peut-être qu'un écran de fumée. Les fermetures d'usine de la période du nouvel an chinois biaisent les chiffres du commerce de janvier et de février. Les exportations chutent certes rapidement, mais les mesures récentes, comme les abattements d'impôt, devraient stimuler la production. Les importations ont moins baissé que les exportations, ce qui a fait fondre l'excédent. Il est toutefois possible que ce phénomène traduise un ajustement des stocks plutôt qu'une évolution structurelle des modes de consommation.
La normalité a tout de même une chance de s'installer durablement, surtout si les 4 000 milliards de yuans (457 milliards d'euros) du plan de relance sont bien employés. Lors de l'Assemblée nationale populaire, réunie la semaine du 2 mars, il a été question d'investir dans la recherche et le développement. Et c'est bien ce que la Chine doit faire. Un pays qui compte 1,2 milliard de consommateurs peut bâtir une prospérité durable en misant sur des secteurs à valeur ajoutée dont le marché sera domestique, plutôt qu'en exportant la production d'une main-d'oeuvre bon marché.
Tout ceci est de triste augure pour les pays voisins. L'Inde et la Malaisie ont au moins la chance de disposer de ressources que la Chine ne pourra jamais produire elle-même. Mais Taïwan, la Corée du Sud, le Japon et la Thaïlande, qui ont tous vu leurs exportations vers l'empire du Milieu chuter, ont de quoi être inquiets. Si la Chine ne veut plus se contenter d'être l'usine du monde, cette normalité exceptionnelle pourrait s'installer définitivement.
John Foley
(Traduction de Christine Lahuec)
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