Entretien réalisé par Dominique Bari
Pékin-Taipei . Depuis un an, le fil des négociations s'est renoué entre les deux rives.
Les relations dans le détroit de Taïwan sont clairement à la détente. Lu Ching-long, représentant du Bureau de représentation de Taipei en France, analyse la situation.
Qu'est-ce qui a permis une reprise de dialogue entre Pékin et Taipei ?
L'élection, l'an passé, à Taïwan, à la présidence de la République de Ma Ying-jeou, l'artisan de la renaissance du parti Kuomintang (KMT) a mis un terme à huit ans de relations houleuses sous l'ère de l'ancien président Chen Shui-bian. En tant que candidat, Ma Ying-jeou avait élaboré les grandes lignes de sa politique avec le continent, laquelle a recueilli l'adhésion d'une majorité de Taïwanais. C'est une approche réaliste. On est conscients de la nécessité de travailler avec la Chine, malgré des accords et désaccords. Certains persistent, d'autres peuvent être surmontés. Les liens sont si étroits que notre sort est lié. La nouvelle administration applique une stratégie très pragmatique, prône une reprise du dialogue et le rétablissement de la confiance.
Lors de son discours à la session annuelle du Parlement, en mars, le premier ministre chinois, Wen Jiabao, reprenant les termes d'une proposition de Hu Jintao du 31 décembre 2008, réaffirmait la disponibilité de la Chine de « créer les conditions pour négocier la fin des hostilités et la signature d'un traité de paix ». Quelle a été votre réponse ?
Le président Ma a proposé d'écarter les divergences et les dossiers les plus délicats. Pour la signature d'un accord de paix, on peut encore patienter. Ma a dit que pour négocier et signer cet accord, il faut que Pékin retire ses missiles balistiques. On note cependant qu'il n'y a plus de tensions politiques, ni militaires. Pékin et Taipei appliquent une philosophie de pragmatisme. Personne ne veut retourner à la période des huit années précédentes faite de tensions. Pour le moment, notre position est le retour au statu quo, nous pensons que c'est le meilleur choix. Il faut laisser le temps faire son chemin, sachant que nous ne voulons pas la guerre et que nous souhaitons que le continent continue de se développer économiquement. Notre priorité est de normaliser nos relations économiques et de continuer à travailler ensemble d'égal à égal, sans se renier réciproquement. Un accord-cadre normalisant les relations économiques et commerciales est d'ailleurs en discussion. Il pourrait être concrétisé lors du prochain sommet - le troisième en moins d'un an - qui se tiendra en mai ou juin à Pékin.
Concrètement, où en est-on ?
2008 aura été marquée par le rétablissement, le 15 décembre, des « trois liens entre le continent et l'île, à savoir des liaisons directes - maritimes, aériennes et postales -, interrompues depuis 1949. 118 vols hebdomadaires sans escale existent déjà et plus de 60 ports chinois et 21 taïwanais sont également ouverts à la navigation directe.
Qu'en est-il également du volet diplomatique ?
Le président Ma a demandé « l'amnistie diplomatique ». Et, là aussi, il y a des signes intéressants de la part de Pékin, qui ne met plus systématiquement son veto à la participation de Taïwan à des rencontres internationales. Nous trouvons injuste d'être écartés du système onusien, y compris l'OMS, et nous demandons une participation significative à l'assemblée annuelle qui aura lieu le 18 mai. On verra ce que décide la Chine. À cet égard, la plupart des observateurs anticipent que Pékin autoriserait bientôt l'accession de Taïwan à l'Organisation mondiale de la santé, sous le nom de « Chinese Taipei ».
Peut-on être lucidement optimiste ?
C'est une période très encourageante, mais rien n'est définitivement acquis. Si la politique du président Ma n'apporte pas les changements souhaités, l'opposition à Taïwan pourrait en profiter au détriment du dialogue.
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