Une croissance de la consommation rurale pour compenser la baisse des exportations
La Chine a beaucoup à perdre d'une crise économique mondiale, puisque près de 40% de son PNB provient de ses exportations. Les données les plus récentes montrent que le plan de relance économique que le gouvernement chinois a lancé en novembre commence déjà à porter des fruits.
Il faut dire que les dirigeants chinois avaient prévu la possibilité d'une crise mondiale et qu'ils s'y préparaient depuis quelques années. Le plan de relance économique chinois, qui totalise 587 milliards US, représente environ 13% du PIB chinois, soit proportionnellement beaucoup plus que le plan de relance américain.
Bien qu'il convienne de demeurer très prudent sur les résultats du plan de relance chinois, plusieurs statistiques étonnent. Ainsi, les ventes d'automobiles neuves, qui avaient reculé pendant toute l'année 2008, viennent d'augmenter de 4,4% en janvier. L'industrie légère affiche à présent un taux de croissance de 8,1% alors que ce taux était tombé à 1,8%. Le commerce au détail et le secteur hôtelier ne semblent pas avoir été touchés par la crise et leurs taux de croissance sont de près de 25%.
Le financement du plan devrait provenir de trois sources principales. D'une part, les provinces ont reçu le droit d'émettre pour 200 milliards US d'obligations d'épargne, ce qui leur était auparavant interdit. D'autre part, le gouvernement central a réalisé en 2008 un surplus d'environ 200 milliards US en revenus fiscaux. Enfin, les banques chinoises ont recommencé à prêter massivement. En janvier, les prêts des banques chinoises ont augmenté de 104% en comparaison du même mois en 2008.
Le cœur du plan de relance chinois consiste à compenser la baisse des exportations de certains produits en pariant sur une hausse des ventes de ces mêmes produits dans les zones rurales du pays. Ce pari est audacieux. Avant d'être étendue à toute la Chine, cette politique de croissance de la consommation rurale avait déjà été expérimentée avec succès dans trois provinces.
Les 700 millions de personnes qui habitent les zones rurales consomment peu, mais possèdent beaucoup d'épargnes. Le gouvernement tente de créer un meilleur environnement économique pour les inciter à dépenser. Par exemple, il accélère la mise en place de divers plans d'assurance récolte, abolit des taxes et instaure des politiques de micro-crédit.
Plus concrètement, le gouvernement a décidé d'offrir aux habitants des zones rurales une subvention de 13% à l'achat de divers biens de consommation tels que les réfrigérateurs, les motos, les téléphones cellulaires ou les ordinateurs personnels. Ce rabais équivaut souvent à une semaine de travail. Comme il y existe trop peu de magasins en zone rurale, le gouvernement va aussi favoriser la construction de 510 000 nouveaux magasins d'ici deux ans, en privilégiant les grandes surfaces. Ces magasins devraient créer des millions de nouveaux emplois, notamment parmi les nouveaux diplômés des universités et les travailleurs migrants qui ont perdu leur emploi dans les villes.
Le plan de relance économique chinois touche plusieurs autres domaines. Par exemple, dans le secteur énergétique, le gouvernement vient d'annoncer la construction de nouvelles centrales nucléaires, la modernisation de centrales thermiques au charbon, la construction de nouvelles lignes d'ultra-haut voltage et la hausse de 10% des capacités de raffinage de pétrole d'ici 2011. Des annonces d'investissement similaires se succèdent tous les jours en transport, en environnement, en recherche scientifique, en éducation, etc.
La santé de l'économie chinoise est encore chancelante dans certains secteurs. L'industrie lourde, par exemple, demeure toujours durement touchée par la crise économique mondiale. Mais l'envergure du plan de relance chinois, sa planification et la vigueur avec laquelle il est appliqué, laissent croire qu'une reprise en Chine est peut-être plus proche qu'ailleurs dans le monde.
Loïc Tassé
L'auteur est spécialiste de la Chine et enseigne [sic] à l'Université de Montréal en science politique.
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