lundi 2 mars 2009

Les mères de la place Tiananmen demandent aux autorités de juger les responsables des massacres

Le Monde - International, lundi, 2 mars 2009, p. 6

A l'approche du 20e anniversaire du mouvement de Tiananmen, une association de parents de victimes des tirs de l'armée chinoise, le 4 juin 1989, a publié une lettre ouverte au Parlement pour exiger que soient punis les responsables du massacre.

Dans le document transmis par une ONG américaine et adressé à l'Assemblée nationale populaire à quelques jours de l'ouverture de sa prochaine session, les signataires demandent que toute la lumière soit faite sur la répression militaire qui a écrasé le mouvement étudiant et populaire.

Ils exigent que soit publiée la liste des morts (plusieurs centaines, selon diverses estimations), que les familles des victimes reçoivent une compensation financière, et que " les responsables des tueries " soient sanctionnés. " La Chine est devenue une chambre close dans laquelle toutes les exigences des gens à propos du 4-Juin, toutes les angoisses et les gémissements des parents des morts et des blessés ont été soigneusement scellés ", poursuit la lettre, signée par 127 personnes et rédigée à l'initiative de l'association des Mères de Tiananmen.

Ce groupe a été créé et dirigé par Ding Zilin, ancien professeur à Pékin, dont le fils de 17 ans fut tué durant le déclenchement de la répression. Contactée au téléphone par Le Monde, Mme Ding a confirmé l'envoi de cette lettre, en précisant : " Les responsables de la tuerie sont connus, et nous n'avons jamais cessé de le dire : il s'agit de Deng Xiaoping - ex-numéro un chinois - , Yang Shangkun - qui occupait à l'époque les fonctions protocolaires de président de la République - et Li Peng - alors premier ministre - . " - le seul encore en vie.

Ce qui s'est passé il y a vingt ans, à la fin de l'éphémère " printemps de Pékin ", n'a rien à voir avec les " sérieux troubles politiques " (l'expression consacrée par la terminologie officielle), dénoncent encore les signataires, qui suggèrent aux autorités de préparer un sondage national pour savoir ce que les Chinois pensent des tueries perpétrées le 4 juin 1989 dans Pékin autour de la fameuse place de la Porte-de-la-paix-céleste (Tiananmen).

" PRESSION POLITIQUE "

Pour sa part, Ding Zilin pense " que sans la pression politique existante, les habitants de Pékin témoins des événements de 1989 sortiraient de leur silence ". " Les gens disent qu'ils sont contraints de collaborer avec le régime, mais que cela ne durera pas longtemps ! ", affirme-t-elle.

Mme Ding estime en outre que les jeunes générations, qui semblent largement dépolitisées et parfois ignorantes des " événements " d'il y a vingt ans, " devraient étudier l'histoire, et, si leur naïveté n'était pas utilisée par les communistes, elles seraient capables de juger par elles-mêmes ".

L'envoi de cette lettre ouverte intervient dans un contexte délicat pour les autorités, qui craignent des troubles au Tibet à la veille du 50e anniversaire de la fuite du dalaï-lama de Lhassa, le 10 mars 1959, et des troubles sociaux liés à la hausse du chômage et aux répercussions de la crise économique.

Cette semaine, trois membres de la minorité musulmane ouïgoure ont tenté de s'immoler par le feu place Tiananmen. L'association Campagne internationale pour le Tibet a par ailleurs annoncé qu'un moine a récemment tenté de s'immoler dans la province du Sichuan avant d'être tué par la police.

Bruno Philip

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