L'économie d'abord, l'Iran juste après. En consacrant à l'Asie sa première tournée étrangère, c'est la Chine qu'Hillary Clinton avait à l'esprit parce que les Etats-Unis ont besoin de ses capitaux pour financer leur déficit et qu'une dégradation trop marquée de l'économie chinoise les menacerait gravement.
Il y a trois semaines, à Pékin, Hillary Clinton avait donc parlé finances mais, cette semaine, de Charm el-Cheikh, lundi, à Ankara, aujourd'hui, en passant par Jérusalem, Ramallah, Bruxelles et Genève, hier, la secrétaire d'Etat n'avait en tête que l'Iran - puissance pauvre avec laquelle les Etats-Unis n'ont plus de relations diplomatiques depuis trente ans mais sans laquelle ils ne pourront pas se sortir des guêpiers proche-orientaux.
Sans un compromis historique avec la République islamique, l'Amérique n'aurait plus le choix qu'entre lui faire une guerre dont elle pourrait difficilement s'offrir le luxe et avouer son impuissance en la laissant se doter de l'arme atomique. Elle ne pourrait pas, non plus, stabiliser l'Irak et, moins encore, l'Afghanistan. Elle ne pourrait, donc, pas se retirer de ces pays le front haut alors qu'elle ne peut pas plus les quitter sur une défaite qu'y maintenir des troupes devenues trop coûteuses depuis la débâcle de Wall Street.
L'Iran est à la diplomatie des Etats-Unis ce que la Chine est à leurs finances, et c'est à cette aune qu'il faut lire chacun des moments de cette deuxième tournée d'Hillary Clinton. A Charm el-Cheikh, elle a fait comprendre que les 5 milliards de dollars mobilisés pour la reconstruction de Gaza ne seraient débloqués que si le Hamas acceptait de former un nouveau gouvernement d'union avec le Fatah et d'entrer, ainsi, en négociation avec Israël. A Jérusalem et Ramallah, elle a martelé que le futur gouvernement israélien, quelle que soit sa composition, devrait rester fidèle à l'objectif d'un Etat palestinien, rouvrir les points de passage avec Gaza et ne pas développer encore la colonisation de la Cisjordanie.
Dans les deux cas, il s'agissait avant tout de priver l'Iran de l'influence et des relais régionaux que lui donne la persistance de ce conflit, d'affaiblir sa position pour l'amener à ce compromis tellement indispensable aux Etats-Unis, et c'est ce même but qu'Hillary Clinton a poursuivi à Bruxelles. Epaulée par les grandes capitales européennes, elle y a imposé aux anciens pays communistes d'Europe centrale d'accepter une reprise du dialogue entre l'OTAN et la Russie qui avait été «suspendu» après la crise géorgienne.
«L'heure du réalisme a sonné», leur a-t-elle dit, car l'Amérique ne peut plus se passer de la Russie, ni pour acheminer ses armes en Afghanistan ni pour obtenir de l'Iran qu'il renonce à la bombe. C'est si vrai qu'elle lui a fait valoir que, dès lors que l'Iran ne représenterait plus une menace, elle n'aurait plus besoin de ces systèmes antimissiles qu'elle projette d'installer en Europe centrale et dont le Kremlin ne veut à aucun prix.
L'Amérique a proposé un deal à la Russie pour qu'elle l'aide à en imposer un à l'Iran. C'est cette proposition d'une nouvelle entente globale entre Washington et Moscou qui était au coeur, à Genève, des entretiens d'Hillary Clinton avec son homologue russe. Et de quoi parlera, aujourd'hui, la secrétaire d'Etat avec les dirigeants turcs? Du transit par la Turquie des approvisionnements pour l'Afghanistan et du rôle de facilitateur qu'Ankara pourrait jouer, tant entre le Hamas et le Fatah qu'entre l'Amérique et l'Iran.
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