jeudi 19 mars 2009

Pékin interdit à Coca-Cola d'acquérir le leader chinois du jus de fruits

Les Echos, no. 20387 - Industrie, jeudi, 19 mars 2009, p. 20

Le géant américain de l'agroalimentaire était prêt à dépenser 2,4 milliards de dollars pour progresser sur le secteur très porteur des jus de fruits en Chine. Mais Pékin a estimé que la prise de contrôle de Huiyuan aurait eu une « influence défavorable sur la concurrence ».

Après plus de six mois d'hésitation, Pékin a rejeté hier le projet d'achat amical de Huiyuan, le leader chinois du jus de fruits, par Coca-Cola, qui était prêt à débourser 2,4 milliards de dollars (1,8 milliar d'euros) dans l'opération. Dans un bref communiqué, le ministère chinois du Commerce a indiqué qu'il avait décidé de bloquer l'accord, pourtant validé dès septembre par les trois grands actionnaires : Huiyuan-Danone (22,98 %), le fondateur Zhu Xinli (36 %) et le fonds d'investissement américain Warburg Pincus (6,8 %). La raison invoquée ? Il aurait donné au groupe américain une « position dominante » sur le marché chinois des jus de fruits et aurait eu une « influence défavorable sur la concurrence ». « Cela aurait pu conduire les consommateurs à payer plus cher et à profiter d'une moins grande variété de produits », a justifié le ministère, dont la décision a surpris beaucoup d'experts et risque d'être vivement critiquée par les grands partenaires commerciaux de la Chine, soupçonnant Pékin de vouloir protéger à tout prix ses grandes marques (lire ci-dessous).

Lors de l'annonce du rapprochement entre les deux sociétés, les analystes avaient estimé que la prise de contrôle de Huiyuan n'allait pas donner à Coca-Cola des positions susceptibles de violer le droit de la concurrence chinois et notamment sa loi antimonopole entrée en vigueur en août 2008.

Des segments appétissants

Selon Euromonitor International, Coca-Cola contrôlait l'an dernier 12 % du marché local très fragmenté des jus de fruits et légumes. Quand Huiyuan en détenait, lui, seulement 8,5 %, mais revendiquait 33 % de celui des jus de fruits purs et une large part de celui des nectars.

Ce sont ces segments qui avaient aiguisé l'appétit de Coca-Cola qui souffre, dans le pays, d'un ralentissement de la croissance des ventes de boissons sucrées gazeuses. Sur l'année 2009, les ventes de sodas ne devraient progresser en Chine que de 11 %, pour atteindre un montant total de 74 milliards de yuans (8 milliards d'euros), quand le marché du jus de fruits pourrait augmenter de 20 % et dépasser les 97,1 milliards de yuans (11,3 milliards d'euros).

Coca-Cola, qui espérait réaliser avec cette opération la plus grande acquisition à l'étranger de son histoire, s'est déclaré « déçu » par la décision du gouvernement chinois. Conscient des débats politiques que son offre a suscité, le géant d'Atlanta avait multiplié les commentaires apaisants et réaffirmé maintes fois sa volonté d'investir massivement dans le pays où il est présent depuis 1979. La semaine dernière, Coca-Cola avait notamment annoncé qu'il comptait dépenser, en marge de l'accord avec Huiyuan, 2 milliards de dollars sur trois ans en Chine pour développer son réseau de production et de distribution.

YANN ROUSSEAU

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