Rôle du dollar comme monnaie de réserve, questions de gouvernance des institutions internationales, défense du libre-échange : à l'approche du G20, Pékin a voulu démontrer qu'il fallait désormais compter sur la voix de la Chine : " Ce sera la première fois que la Chine décide de ne pas jouer le rôle d'un auditeur passif. Le monde entier souhaite à vrai dire entendre cette "voix chinoise" plus forte, et espère que Pékin ait un rôle plus actif dans le sauvetage de l'économie globale ", pouvait-on lire dans un éditorial de l'Economie Observer Online.
Déjà, certaines propositions suscitent des débats. Reprise par Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la banque centrale chinoise, celle, ancienne, de substituer au dollar une monnaie universelle, sous la forme des droits de tirage spéciaux (ou DTS) du Fonds monétaire international (FMI) - leur valeur est déterminée à partir d'un panier de monnaies -, fait son chemin. Elle a reçu le soutien de la Russie et du Prix Nobel d'économie, Joseph Stiglitz, qui préside une commission d'experts chargée par les Nations unies de réfléchir à une refonte du système monétaire international. Elle a aussi conduit le président américain Barack Obama à défendre le rôle du dollar.
JOUER UN PLUS GRAND RÔLE
Sollicitée pour participer au tour de table destiné à refinancer le FMI, sur lequel un accord est attendu lors du G20, Pékin compte bien saisir cette occasion de jouer un plus grand rôle au sein de l'institution internationale, à condition de " trouver un bon équilibre entre les droits et les obligations des pays contributeurs ", a déclaré le vice-premier ministre chinois Wang Qishan, dans un entretien au Financial Times, tout en expliquant " qu'il n'était ni réaliste, ni juste de fixer le niveau de contribution - d'un pays - uniquement par la taille de ses réserves de change ".
La Chine, qui, avec un quota de moins de 4 %, a le même poids que la Belgique au conseil du FMI, soutient au côté des autres puissances émergentes du groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) une réforme des droits de vote.
" La plus grande priorité doit être donnée à une augmentation des quotas ", a poursuivi M. Wang qui se fait toutefois l'avocat d'une approche conciliante et pragmatique : la Chine est prête à souscrire des obligations émises par le FMI en cas d'urgence et étudiera la proposition américaine d'élargir le dispositif des " new arrangements to borrow " - NBA - qui permet de facilité l'emprunt.
Face à un modèle américain en pleine déconfiture, Pékin veille à se présenter comme le " bon élève " de l'économie mondiale et met en avant ses efforts en matière de relance - le plan chinois est l'un des plus élevés au monde - ou de promotion des échanges : Pékin envoie dans les pays riches des délégations d'acheteurs, et s'efforce de soutenir les pays émergents qui seraient tentés par le protectionnisme, en leur offrant des garanties en cas de crise monétaire.
Depuis fin 2008, la Chine a ainsi signé des accords " swap ", c'est-à-dire d'échange de devises, avec une série de partenaires (en Asie, mais aussi avec l'Argentine et la Biélorussie), pour plus de 600 milliards de yuans (66 milliards d'euros). Un accord signé avec Hongkong pour autoriser l'usage du yuan comme mode de règlement entre la Région administrative spéciale et la ville de Shenzhen doit préfigurer une régionalisation du rôle de cette devise.
Tous ces efforts servent des intérêts bien compris. Ils n'empêchent pas la Chine, détentrice de 739 milliards de dollars (560 milliards d'euros) en bons du Trésor américain, d'être pragmatique : l'appréciation du yuan par rapport au dollar depuis 2005 s'est faite grâce à une diversification des réserves du panier de référence de la banque centrale, et tout porte à croire qu'elle a réindexé le renminbi sur le billet vert aux dépens notamment de l'euro, révèle un rapport récent de Morgan Stanley.
Brice Pedroletti
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