Lhadon Tethong, la jeune présidente de Students for a Free Tibet (SFT, Etudiants pour un Tibet libre), s'affaire dans ses petits bureaux, à l'étage d'un bâtiment décati de l'East Village, un quartier branché de New York. La pasionaria de l'indépendance tibétaine doit s'envoler à l'aube, le lendemain, vers une destination secrète en Asie d'où elle lancera, le 10 mars, une nouvelle offensive militante, à l'occasion du 50e anniversaire du soulèvement des Tibétains.
Instigatrice des manifs internationales sur le passage de la torche des Jeux de Pékin, cette indépendantiste doit une partie de sa célébrité au blog qu'elle a tenu depuis la République populaire, dans les semaines qui ont précédé les JO, et qui lui a valu d'être expulsée en août 2008. Avec ses jeans, son bagout, cette Canado-Tibétaine de 32 ans évoque moins la sagesse des moines des hauts plateaux de l'Himalaya que la désinvolture des étudiantes d'Amérique du Nord.
Mais la cause est gravée dans son ADN. « Ma mère, une coopérante canadienne, a rencontré mon père, émigré du Tibet depuis l'âge de 6 ans, quand il dirigeait un camp de réfugiés dans le sud de l'lnde, explique-t-elle. A Vancouver, où je suis née après leur retour, j'ai passé mon enfance en poussette au milieu des manifestations devant le consulat de Chine. »
Bouleversée par l'ampleur de la foule venue assister, en 1996, à San Francisco, au premier Tibetan Freedom Concert, l'étudiante en histoire ouvre la première section du SFT dans son université de King's College, à Halifax, sur la côte est du Canada. Quatre ans plus tard, Lhadon prend la direction du siège new-yorkais de l'organisation, vite mué en QG continental de la cause, et sa photo orne le Finan-cial Times: inspiré par la mouvance altermondialiste des campus américains, le groupe inconnu a réussi, avec ses banderoles, à gâcher l'entrée en Bourse de la firme pétrolière PetroChina, ainsi qu'une assemblée d'actionnaires de son partenaire BP à l'hôtel Waldorf Astoria de New York.
Entraînés à la résistance pacifique par Greenpeace et par les anars écolo de la Ruckus Society, célèbres pour leurs escalades d'immeubles lors des réunions du G 8, les « SFT » ont gagné leur notoriété pendant les derniers Jeux olympiques et les récents soulèvements de Lhassa. Longtemps soutenus par les 150 000 dollars annuels fournis par des donateurs privés, dont l'acteur Richard Gere, ils glanent aujourd'hui trois fois plus d'argent grâce aux dons recueillis sur Internet.
L'influence de ce groupe radical et séculier, élargi à quelque 50 000 sympathisants et à près de 6 000 bénévoles américains, pour la plupart blancs, agace les organisations traditionnelles de la diaspora tibétaine. « Nous restons fermement attachés à l'indépendance totale du Tibet, proclame Lhadon. Le dalaï-lama peut admettre le principe d'une simple autonomie du pays, mais sa stature le place dans une autre dimension. Avec tout le respect que nous lui devons, ses compromis n'engagent que lui. »
Philippe Coste
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