Pour une fois, ce n'est pas la lecture de la presse chinoise, toujours aux ordres, qui a régalé, au lendemain du sommet du G20, le pouvoir communiste de Pékin, mais plutôt les unes de plusieurs grands médias occidentaux qui ont retenu de la réunion de Londres, l'émergence spectaculaire de la « superpuissance » chinoise. Le pays, devenu en moins de trente ans la troisième plus grande économie de la planète, serait désormais décidé à peser sur le sort du monde.
Il est vrai que les postures chinoises ont changé. Il y a tout juste vingt ans, après la brutale répression des manifestations de la place Tiananmen, Deng Xiaoping ordonnait au pays de se montrer très prudent sur la scène internationale. La Chine devrait faire profil bas, dissimuler ses aptitudes et attendre son heure, lançait l'ancien homme fort du régime. Longtemps, les autorités de Pékin se sont retranchées derrière cette sentence pour justifier le peu d'implication de leur « nation encore en développement » dans la gestion des affaires du monde.
Mais depuis le début du XXIe siècle et l'envolée du PIB chinois, cette timidité diplomatique se dissipe. La brutale crise économique a même accéléré, ces derniers mois, la poussée de confiance du pays. Convaincue que les puissances traditionnelles, et particulièrement les Etats-Unis, ont démontré, avec l'effondrement de leurs croissances, les limites de leur modèle de développement, la Chine exhibe sa propre réussite et le maintien probable de la hausse de son PIB au-delà des 6 % en 2009. Ses dirigeants osent célébrer leur nouvelle aura. En février dernier, à Cambridge, Wen Jiabao a fait frémir les diplomates étrangers en parlant de son pays comme d'une « grande puissance ». Quelques jours plus tard, Xi Jinping, le vice-président, s'est, lui, emporté contre « les étrangers qui, après avoir bien rempli leurs estomacs, n'ont rien d'autre à faire que de pointer leurs doigts vers ce que nous faisons ».
Au-delà même des discours, Pékin commence à durcir ses actes. Ulcéré par la rencontre entre Nicolas Sarkozy et le dalaï-lama, le gouvernement chinois n'a pas hésité à annuler en décembre dernier le sommet qu'il devait tenir en France avec les pays de l'Union européenne, qui sont pourtant ses premiers partenaires commerciaux. Les Etats-Unis ont, eux aussi, récemment ressenti le regain d'assurance de la Chine. Début mars, des bateaux chinois, qui évitent habituellement toute friction avec des flottes étrangères, ont « harcelé » un navire américain patrouillant en mer de Chine méridionale. Juste avant le sommet du G20, Washington a aussi dû répondre à l'offensive de Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale, qui a accusé le dollar de trop peser sur le fonctionnement du système monétaire international et suggéré de le remplacer par une « monnaie de réserve supranationale ». Mais une fois la surprise de l'annonce passée, la plupart des observateurs ont assuré que ce projet « irréaliste » n'était que l'expression des inquiétudes de Pékin pour la valeur de ses 1.000 milliards de dollars d'actifs. A Londres, Hu Jintao a d'ailleurs totalement occulté ce sujet pour se concentrer sur d'autres dossiers jugés cruciaux pour son pays.
Car si l'attitude de Pékin a effectivement changé, le pays rechigne toujours à dépasser, sur la scène internationale, la défense de ses propres intérêts. La semaine dernière, le président chinois, dont le pays est le plus gros pollueur de la planète, s'est ainsi surtout employé à limiter les ambitions environnementalistes du G20 et a sabordé les projets de Gordon Brown, qui souhaitait contraindre ses partenaires à s'engager à dépenser plus pour des « projets verts ». Tout en affirmant soutenir un renforcement de la régulation financière, Hu Jintao a également bataillé contre l'inscription de Macao et de Hong Kong dans une liste des paradis fiscaux susceptibles d'être sanctionnés.
Dans toutes les grandes institutions internationales, la Chine fait de plus en plus entendre sa voix mais refuse toujours de se confronter à des problèmes globaux, auxquels tout « acteur responsable » du monde devrait savoir répondre. Arc-boutée sur sa rigide conception de respect des souverainetés nationales, elle rechigne à lutter contre la prolifération nucléaire, les génocides ou encore les guerres civiles. A plusieurs reprises, elle a permis aux dictatures « amies » du Zimbabwe, du Soudan ou encore de la Corée du Nord d'échapper à de sévères sanctions.
Hier, alors que la communauté internationale condamnait, dans son ensemble, le tir de missile de Pyongyang, Pékin se contentait d'appeler toutes les parties à la retenue, au risque de se retrouver à son tour critiquée pour l'étroitesse de sa stratégie et son incapacité à assumer les responsabilités d'une véritable « superpuissance ».
PHOTO - Gilles Sabrié ou son blog (à visiter!) Un oeil sur la Chine
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