Il y a 50 ans dans le Monde
LE MOMENT est venu, croyons-nous, de brosser le tableau de la Chine dans la deuxième moitié de 1958. A l'heure des communes. Deux nouveaux mouvements vont la frapper avec la venue du printemps 1958. Le premier est le " Bond en avant ", qui déclenche une accélération draconienne du rythme de production et un redoublement de l'effort de travail. Le second, un peu plus tard, est le mouvement des communes, qui abolit toute propriété privée, envoie au travail des millions de femmes, bouleverse la vie familiale et impose une discipline quasi militaire à cinq cents millions de paysans.
La Chine apparaît alors semblable à un pays frappé par la mobilisation générale et la guerre, mais c'est une guerre d'un type jamais vu, qui fait rage sur le front de la production, et dont les héros sont tués par l'excès de travail. Le relèvement brutal des objectifs de la production et l'obligation pour tout Chinois valide de travailler de ses mains produisent partout un climat de labeur forcené. Comme sous le souffle d'une vraie guerre, il n'y a pas une vie humaine qui ne se trouve changée ou bouleversée. Nous parlerons tout à l'heure des remous qui se produisent parmi les paysans. Le choc n'est pas moindre à la ville et dans la classe ouvrière. Les intellectuels, les fonctionnaires et les employés de bureau vont à l'usine ou à la mine. Les étudiants deviennent ouvriers ; les enfants eux-mêmes, dans les écoles, sont mis à des travaux manuels souvent fort pénibles. Les femmes deviennent ouvrières. Tous les métiers non indispensables sont abolis. Ceux qui les pratiquaient rejoignent les masses de main-d'oeuvre non qualifiée que le parti manipule à son gré.
(10 avril 1959.)
Robert Guillain
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