EMPLOI - La crise touche les côtes et le Sud de la Chine mais épargne le Centre et l'Ouest
( DALIAN, SHANGHAI, XIAN )
En fonction des zones géographiques et de l'activité économique, l'impact.de la crise mondiale est ressenti de manière très contrastée en Chine.
Belle chemise blanche et veste noire bien coupée, Xu Shu Heng, 25 ans, fait visiter le dortoir qu'il partage avec dix de ses camarades, tous employés dans l'un des plus grands chantiers navals de Dalian où s'activent 60 000 ouvriers. Une telle visite dans cet immeuble crasseux, où logent 1 400 hommes dans des conditions à la limite de l'acceptable, demeure officiellement interdite. Un air de défi dans les yeux, Jituan veut montrer à « l'étranger » son univers et celui de milliers d'autres qui travaillent de 8 heures du matin à 19 heures le soir et très souvent les week-ends. « Mon travail est très dur, sale, fatigant et dangereux aussi, car je manie d'énormes pièces d'acier à assembler toute la journée. Dix ouvriers sont morts l'année dernière. Mais je gagne 2 000 yuans par mois (200 €), ce qui est plutôt un bon salaire, d'autant que je suis logé par l'employeur. L'argent économisé me permet d'envoyer 500 yuans (50 €) par mois à mes parents qui vivent toujours dans la province de Jilin, plus au nord. Là-bas je ne pourrais jamais gagner un tel salaire. »
Depuis l'hiver dernier, l'atmosphère a toutefois changé sur le chantier et ses camarades commencent à parler de cette crise économique venue d'Amérique. « Pour le moment, on a encore du travail, mais j'ai pu avoir quelques confidences de mon chef un soir : la moitié des commandes de bateaux pour notre chantier ont été annulées par les clients, explique Jituan. L'import-export est en chute libre, il n'y a plus autant de demandes de nouveaux bateaux. On arrive à avoir des perspectives jusqu'en juin. Après, c'est le brouillard total. Mes copains parlent ouvertement de chômage technique et de baisses de salaires. C'est inéluctable ! On a déjà vu des dizaines de sociétés japonaises et coréennes installées à Dalian qui ont fermé et qui ont licencié les ouvriers chinois, car, au Japon et en Corée du Sud, la crise est terrible. Alors, elle va arriver aussi ici bientôt, c'est sûr. »
À Shanghaï, 2 000 kilomètres plus au sud, Huang Wei, 47 ans, avale un bol de nouilles durant la pause nocturne d'un de ses cours de langue. « Chasseur de têtes » pour de grandes entreprises chinoises et étrangères, il assure que l'activité économique et industrielle globale dans la région a ralenti depuis près de six mois. « De nombreuses entreprises ont licencié du personnel, mis une partie de leurs ouvriers en chômage technique, ou bien les primes et les bonus ont été annulés », affirme-t-il. Selon lui, la municipalité de Shanghaï a lancé un appel afin que les entreprises licencient le moins possible et baissent plutôt les salaires.
Hua Jia, 26 ans, travaille dans une agence immobilière de bureaux et confirme : « Les grands projets industriels sont à l'arrêt, beaucoup d'étrangers ont perdu des contrats déjà en attente et certains de mes clients qui devaient acheter des terrains ou des bureaux ont freiné les procédures. »
Ainsi, en fonction des zones géographiques (Guangdong au sud ou Zhejiang à l'est, où la crise a frappé) et du secteur économique (textile, jouets, meubles, petit électronique, très touchés), l'impact de la crise mondiale se ressent de manière très contrastée en Chine. À Shanghaï, Shou Ting, 20 ans, infirmière dans un hôpital pour enfants, assure « ne rien percevoir de la crise » dans sa vie quotidienne ni dans son travail.
Wang Hong, 30 ans, employé dans une entreprise qui vend des systèmes de sécurité « ne voit rien venir ». Ge Feng, acheteur de produits électroniques pour une grande chaîne de magasin nationale « ne ressent pas vraiment de baisse d'activité ».
À Xian, capitale de la province agricole du Shaanxi, plutôt considérée comme « pas très riche », et n'ayant pas d'industrie exportatrice, le chômage existait avant la crise. Pour autant, la ville a connu ces dernières années un grand boum économique, avec de très forts investissements de personnes du Shaanxi ayant fait de bonnes affaires dans la province du Guangdong. « Il y a eu des découvertes de pétrole dans le nord de la province et des investissements immobiliers très importants ont enrichi une nouvelle catégorie de la population, explique Li Tao, 47 ans, patron du Huasheng Bao, plus grand quotidien de la province. De plus, de nombreux étudiants de cette ville universitaire qui avaient fait des études à l'étranger sont rentrés pour investir et innover. »
Toujours en quête de nouveaux marchés, Li Tao a lancé une petite entreprise dans la zone économique spéciale de Shenzhen, à la frontière de Hong Kong. Il entend ce qui se dit là-bas, dans le Sud, où des milliers d'usines ont fermé l'année dernière. « Deux scénarios sont discutés au niveau provincial du Guangdong, résume-t-il. Le premier est de dire qu'une croissance et un enrichissement frénétique comme ces vingt dernières années n'est plus possible, les affaires vont reprendre, mais à un niveau beaucoup moins élevé que par le passé. D'autres, beaucoup plus pessimistes, craignent que la situation n'empire encore, au point de gravement s'effondrer. »
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