Après la polémique de la vente Saint Laurent-Pierre Bergé, un cachet orné de dragons a été adjugé pour 1,7 million d'euros.
La chronique du bestiaire impérial se poursuit : après le lièvre et le rat de la collection Yves Saint Laurent-Pierre Bergé, c'était au tour d'un couple de dragons, enchéri hier à Drouot pour 1,7 million d'euros, de créer la polémique. Les deux animaux fabuleux ornent un cachet en néphrite blanche, sur lequel on peut lire «jiu zhou qing an zhi bao»; soit «paix et tranquillité de la nation». Cette devise est celle d'un pavillon du Palais d'été, pillé en 1860 par les troupes franco-britanniques.
Mise à sac. Le commissaire priseur Pierre-Yves Lefèvre indique que cette pièce a été rapportée de Chine au XIXe par le général de Vassoigne. Ce dernier, qui commandait un fort français dans le port proche de Pékin, aurait participé à la mise à sac du palais. «Paix» et «tranquillité» ne sont pas les mots qui viennent à l'esprit à entendre les conservateurs du lieu, affirmant que de «telles reliques devraient être retournées à leur lieu d'origine».
La Chine, même si elle ne peut pas revendiquer la restitution d'oeuvres pillées dans les siècles passés, actionne en sous-main des protestations à chaque vente d'une des pièces. Jusqu'à celle de la collection Pierre Bergé-Saint Laurent, des entrepreneurs étaient incités à racheter les têtes d'animaux de la fontaine zodiacale, pour les offrir ensuite à la Chine. Ce scénario a été perturbé dans la vente de Pierre Bergé par un collectionneur chinois qui l'a sabotée en refusant de payer son acquisition. Une association fantomatique avait essayé en vain de la bloquer, mais la Chine ne l'avait pas mandatée. La légalité de la vente avait été confirmée par le tribunal de Paris. La France avait du reste délivré des autorisations de libre circulation aux deux têtes en question (Libération du 25 février).
Pour les organisateurs (l'étude parisienne Beaussant Lefèvre), la vente de Drouot d'hier «était parfaitement légale. Nous n'avons rien caché, notre communication était transparente, et tout simplement discrète».
Battage. La Chine est signataire de la Convention de 1970 de l'Unesco contre le trafic des biens culturels, qui stipule le principe d'un retour des oeuvres volées ou pillées dans leur pays d'origine. Néanmoins, juridiquement, pour les situations antérieures, elle a les mains liées, car cette convention n'a pas de valeur rétroactive.
Le régime chinois est par ailleurs ravi de brandir le drapeau du patriotisme en de telles occasions. De plus, en activant un battage avec différents relais, il sait qu'il peut faire baisser les enchères, dans la mesure où les amateurs sont dissuadés d'acquérir des pièces susceptibles de créer un jour un problème juridique. C'est de bonne guerre.
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